Les prix à la pompe augmenteront de 17 cents le litre d’ici 2030, une gracieuseté d’Ottawa, dont le Règlement sur les combustibles propres est entré en vigueur le 1er juillet dernier.

Le règlement oblige les producteurs et les importateurs de carburants à réduire l’indice de carbone de leurs produits de 15 % d’ici sept ans. L’indice de carbone de l’essence et du diesel, estimé actuellement entre 90 et 95, devra être réduit à une valeur entre 75 et 80 en 2030.

Le coût des investissements nécessaires pour se conformer à ce règlement est estimé entre 30 et 50 milliards par l’industrie pétrolière. Une fois répercutés à la pompe, ces investissements coûteront aux automobilistes 17 cents de plus par litre d’essence, selon le ministère de Steven Guilbeault, Environnement et Changement climatique Canada.

Dans une analyse du règlement, le directeur parlementaire du budget a estimé que l’augmentation du prix du carburant qui en résultera aura pour effet de réduire le produit intérieur brut (PIB) du Canada de 0,3 % et que les provinces de l’Atlantique seront les plus touchées.

L’impact du nouveau règlement a déjà commencé à se faire sentir à la pompe, mais il est difficile de dire dans quelles provinces et dans quelle mesure précisément, explique Carol Montreuil, porte-parole de l’Association canadienne des carburants, qui représente l’industrie.

C’est de loin le règlement le plus complexe à avoir été adopté au Canada. C’est aussi le règlement le plus coûteux de l’histoire pour l’industrie et pour le consommateur.

Carol Montreuil, porte-parole de l’Association canadienne des carburants

Le Règlement sur les combustibles propres est le fruit de trois ans de discussions entre le gouvernement fédéral et l’industrie. Les producteurs et les importateurs de produits pétroliers liquides peuvent réduire leur indice de carbone en utilisant une ou plusieurs des solutions disponibles ou en voie de le devenir, comme la capture et le stockage du carbone, l’électrification des procédés ou les biocarburants.

Un coût caché

Pour les consommateurs, le coût du nouveau règlement s’ajoute à celui de la taxe fédérale sur le carbone ou du Système de plafonnement et d’échange au Québec, qui est actuellement autour de 10 cents le litre. Il reste invisible à la pompe parce que les gouvernements, tant fédéral que provincial, ne le considèrent pas comme une taxe, mais comme un droit ou une redevance. Au Québec, par exemple, ces redevances sont incorporées dans le coût d’acquisition de l’essence par les détaillants (le prix à la rampe de chargement) que publie la Régie de l’énergie.

En 2030, la taxe carbone fédérale, qui atteindra alors 170 $ la tonne, et le nouveau Règlement sur les combustibles propres auront ajouté 57 cents au prix du litre d’essence à la pompe, selon le calcul de l’industrie.

Le Règlement sur les combustibles propres qui vient d’entrer en vigueur est un élément important du plan de lutte d’Ottawa contre les changements climatiques. La Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, qui l’a analysé, estime que sa complexité le rend difficile à évaluer et que son efficacité est loin d’être garantie.

Selon Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire, on pourrait arriver aux résultats souhaités avec des solutions plus simples, mais moins populaires.

« Le problème fondamental du gouvernement fédéral, c’est qu’en l’absence d’acceptabilité sociale pour des mesures de réduction de GES qui sont efficaces et donc assez sévères, il se trouve dans l’obligation de multiplier les actions qui sont relativement indolores… dans l’espoir qu’avec cette multiplication de petites actions, on arrive à de grandes choses », dit-il.

Le Règlement sur les combustibles propres s’ajoute à la taxe carbone, au Règlement sur l’électricité propre, à l’interdiction du charbon en 2030, au plafond d’émission pour les sables bitumineux et à d’autres mesures qui rendent la stratégie gouvernementale très difficile à comprendre, selon lui.

« Tous ces programmes visent ultimement à réduire les GES, affirme Pierre-Olivier Pineau. Chacun est relativement inefficace, mais la somme de tous ne garantit pas non plus qu’on atteigne les cibles. C’est un peu comme une personne pieuse qui allumerait 20 cierges pour multiplier ses chances d’être entendue par l’au-delà. »