« Nos beaux gros érables les plus productifs, l’industrie forestière les veut pour faire des planchers de bois francs », illustre Luc Goulet, président des Producteurs et Productrices acéricoles du Québec (PPAQ).

« Quand [les industriels forestiers] font des coupes à côté d’une érablière, ces érables-là redeviendront productifs dans 30 ou 40 ans, affirme-t-il. C’est une inquiétude. Ça veut dire que ce n’est même pas le producteur qui va les exploiter, c’est peut-être sa génération future. »

La saison des sucres est encore loin, mais les producteurs veulent profiter de la campagne électorale en cours pour interpeller les différents partis en rappelant que leur industrie rapporte gros – une contribution de 958 millions au PIB de la province – et en réitérant leur demande auprès du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) afin qu’il protège 200 000 hectares de forêts publiques pour « préserver le potentiel acéricole du Québec ».

Or, dans les discussions concernant le Plan directeur ministériel pour le développement de l’acériculture en forêt publique, la position du Ministère serait de protéger 24 000 hectares, rapportent les PPAQ. « C’est nettement insuffisant, fait valoir M. Goulet en entrevue. On a plus que la moitié des 24 000 hectares qui ont été identifiés en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. Ça veut dire que pour l’ensemble de la province, il nous reste moins que 12 000 hectares. Ce n’est pas représentatif d’un développement acéricole sérieux. »

On ne parle pas de mettre une cloche de verre sur 200 000 hectares. Mais il faut être capable d’avoir des politiques d’aménagement. On veut qu’ils soient aménagés pour que le potentiel soit préservé.

Luc Goulet, président des Producteurs et Productrices acéricoles du Québec

Lors de consultations publiques menées en juillet par le Ministère, les PPAQ ont fait connaître leur point de vue et demandé des modifications au Plan directeur. Une version définitive devrait être déposée à l’automne.

Interpellé à ce sujet, le Ministère n’a pas donné de détails sur sa position ni sur la possibilité de répondre aux demandes des acériculteurs. « Le ministère des Forêts est engagé à favoriser le développement de l’acériculture en forêt publique, a-t-on répondu dans un courriel envoyé à La Presse. C’est dans cette perspective que le Plan directeur ministériel pour le développement de l’acériculture en forêt publique a été réalisé. La banque de superficies à potentiel acéricole à prioriser est dynamique, par conséquent il aura l’avantage de s’ajuster en fonction des besoins de l’industrie acéricole puisque les superficies sont identifiées afin que le MFFP soit en mesure de répondre aux augmentations de contingent prévues à court terme (nous parlons ici d’une période de 10 ans). »

Près de 7700 emplois

De leur côté, pour donner plus de force à leur discours, les Producteurs acéricoles ont maintenant en main une étude intitulée Évaluations des retombées économiques de l’acériculture québécoise en 2020. « La production acéricole québécoise génère au total l’équivalent de 7683 emplois, contribue pour près de 682 millions au PIB canadien et génère près de 152 millions en revenus pour les différents paliers de gouvernement », peut-on lire dans cette analyse rendue publique mardi.

D’après les estimations faites par les chercheurs, en 2022, l’acériculture apporterait une contribution de 958 millions au PIB québécois.

« Selon les calculs des PPAQ fondés sur la comparaison des retombées économiques du secteur de l’acériculture et de l’industrie forestière, pour les mêmes 100 hectares d’érablière exploités en forêt publique, la production de sirop d’érable permet la création de 16 fois plus d’emplois, 9 fois plus de croissance économique en PIB et 26 fois plus de revenus en taxes et impôts que la récolte de feuillus durs », peut-on également lire dans le communiqué diffusé par les Producteurs acéricoles.

Or, selon M. Goulet, si rien n’est fait pour aménager le territoire de façon durable, certaines entreprises acéricoles d’ici devront mettre un frein à leur développement, alors que la demande est grandissante.

« Le sirop d’érable, c’est un produit de niche, mais une fois qu’il fait partie de nos habitudes alimentaires, on ne peut pas s’en passer facilement. »

L’acériculture en quelques chiffres

  • Les PPAQ représentent 13 300 acériculteurs.
  • Le Québec assure 72 % de la production mondiale de sirop d’érable.
  • La production acéricole soutient près de 7700 emplois au Québec (ne tient pas compte de la transformation et de la restauration) (2020).
  • Production de sirop en 2022 : 211 millions de livres

Sources : PPAQ et l’étude intitulée Évaluations des retombées économiques de l’acériculture québécoise en 2020