Les consommateurs qui achèteront des bouteilles d’eau, des verres, des assiettes et même des contenants de liquide lave-glace dans les commerces de Prévost, dans les Laurentides, devront mettre la main dans leur poche. On leur réclamera à la caisse une redevance sur ces produits en plastique à usage unique, une première au pays selon la maire de l’endroit, Paul Germain.

L’initiative ne fait toutefois pas l’unanimité auprès des détaillants locaux, qui craignent de perdre des clients au profit des magasins des villes environnantes. Un peu moins d’une vingtaine de commerçants sont touchés par ce règlement municipal.

Une somme de 10 cents pour une bouteille d’eau, de 50 cents pour un paquet de vaisselle à usage unique, de 25 cents pour une nappe jetable, de 10 cents pour un verre à café jetable, voilà des exemples de redevances – appelées écocontributions – que devront obligatoirement verser les clients qui magasinent chez les détaillants de Prévost, à partir du 1er juillet 2022. Les sommes perçues iront directement au Fonds pour la consommation responsable et serviront à financer d’autres initiatives vertes.

« On est les premiers et on est très fiers de ça », a lancé M. Germain au cours d’une entrevue en visioconférence avec La Presse, mardi. Il a toutefois ajouté ne pas être prêt à « aller dans l’interdiction » en bannissant totalement la vente de bouteilles d’eau, par exemple.

Il s’agit de la troisième phase d’un règlement municipal visant à réduire la consommation de plastique. L’idée vise également à inciter les commerçants à trouver des solutions de rechange en vendant notamment des produits en vrac, qui ne seront soumis à aucune redevance.

Déjà, depuis le 1er septembre 2021, les détaillants ne peuvent plus vendre de pailles en plastique, de touillettes à café ou de cotons-tiges. Et à partir du 1er mai, ceux qui voudront continuer à mettre sur leurs tablettes des bouteilles d’eau en plastique ou encore des contenants de liquide lave-glace devront également offrir une solution de rechange plus verte à leurs clients comme une fontaine d’eau ou encore une station de remplissage.

L’idée, c’est de créer un cercle vertueux, dit M. Germain. Plus il y a de gens qui vont utiliser le vrac, plus ça va [réduire] la facture des matières résiduelles de la Ville.

Paul Germain, maire de Prévost

Selon les chiffres fournis par la mairie, il se jette environ un million de bouteilles d’eau annuellement à Prévost, municipalité de 13 300 habitants. Avec cette initiative, Paul Germain calcule que chaque habitant générera environ 10 kg de moins de matières résiduelles par année.

L’écocontribution aura-t-elle réellement un effet dissuasif sur les consommateurs habitués d’acheter leur bidon de liquide lave-glace ou leur vaisselle jetable pour faire des piques-niques, par exemple ? « L’important pour moi, c’est de donner le choix, répond le maire. On ne voulait pas entraîner une migration de nos consommateurs vers d’autres villes. On a essayé d’être très raisonnables. Il faut essayer de réduire à des endroits où ça ne fait pas trop mal. »

Grogne chez certains commerçants

Or, c’est exactement la crainte qu’ont formulée des commerçants de Prévost, sous le couvert de l’anonymat. Ceux-ci ont refusé d’être cités par crainte de représailles. Mécontents, ils affirment être « désavantagés » par rapport aux détaillants des villes aux alentours qui n’exigent pas de redevance.

L’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA) s’oppose également à ces nouvelles mesures, affirme Stéphane Lacasse, directeur des Affaires publiques. Il tient à assurer que son association est en faveur de la mise en place d’initiatives plus vertes, mais ce que propose le maire n’est pas souhaitable pour les commerçants.

On paie déjà une taxe pour la récupération et bientôt, il y aura la consigne mise en place par le gouvernement du Québec.

Stéphane Lacasse

Selon lui, ce règlement ne fera que surtaxer les citoyens. « La gestion des opérations une fois les clients rendus à la caisse sera également compliquée », appréhende-t-il.

Michel Fortier, rédacteur en chef du Journal des citoyens, qui couvre notamment le territoire de Prévost, confirme également que « certains commerçants la trouvent dure », cette réglementation. M. Fortier ajoute que les deux dernières années ont été difficiles pour les détaillants. Cette initiative vient, selon lui, ajouter une lourdeur.

De son côté, Paul Germain reconnaît que sa ville « est dans une gestion de changement ». « Mais il y a une majorité de commerçants qui sont d’accord avec ça », assure-t-il.

Présente lors de l’entrevue, Hélène Alain, directrice de la quincaillerie Patrick Morin, fait partie des détaillants qui appuient l’initiative. « Ce n’est pas une problématique pour nous », a-t-elle assuré.

Au mois de février, son commerce a installé une borne de recharge de liquide lave-glace. En guise d’option de rechange pour les bouteilles d’eau, qui sont toujours offertes à la quincaillerie, une fontaine a été mise à la disposition des clients.

Pendant ce temps, le maire affirme que deux autres municipalités devraient annoncer sous peu qu’elles emboîtent le pas à Prévost. « Notre but, ce n’est pas d’être les seuls, c’est d’être copiés. »