Les détaillants aspirent à des jours meilleurs en 2022. Près de 77 % d’entre eux s’attendent à une hausse de leurs revenus cette année, selon un rapport rédigé par Deloitte, intitulé Perspectives du commerce de détail au Canada 2022. Assez pour atteindre ou dépasser les résultats de 2019, avant la pandémie ? C’est ce que plusieurs souhaitent, tout en jouant de prudence dans leur prédiction. Ils se préparent quand même en passant de plus grosses commandes.

Selon le rapport publié mardi, près de 86 % des répondants croient que les consommateurs privilégieront la disponibilité des stocks au détriment de « la fidélité au détaillant ». Histoire de répondre à la demande, des commerçants ont doublé leur approvisionnement en marchandise. « Dans le commerce de détail, il faut avoir du stock pour en vendre », lance Pierre-Olivier Mercier, président fondateur des boutiques WLKN, connues notamment pour leurs vêtements en coton ouaté.

« Les deux dernières années ont été difficiles en approvisionnement, rappelle-t-il. Depuis l’an passé, on s’approvisionne en double des stocks de ce qu’on avait avant. On s’attend à un retour massif des gens. Si jamais il y a un engouement, on ne veut pas en manquer », souligne celui dont l’entreprise gère 10 boutiques, dont 7 au Québec et 3 en Ontario. Un 11magasin ouvrira à l’été au centre-ville de Toronto.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Pierre-Olivier Mercier, président fondateur des boutiques WLKN, en 2015

« Dès le début de la pandémie, quand les gens voulaient quelque chose, souvent, ils ne l’avaient pas parce qu’il n’y avait plus de disponibilité. Ça a développé un sentiment d’urgence dans la tête des consommateurs. » Éviter les ruptures de stock, caractérisées notamment par des rayons vides, compte parmi les priorités de 95 % des détaillants, indique-t-on dans le rapport.

Du côté de La Cordée, on a également cru bon de commander davantage pour faire face à la demande, confirme le président, Cédric Morisset. « On a commandé plus, parce que certains de nos fournisseurs ont de la difficulté à nous promettre des livraisons ou ne nous promettent qu’une partie de la livraison. » Et s’il reçoit, au-delà de ses espérances, toute la marchandise demandée, M. Morisset sait que les articles ne s’empoussièreront pas en magasin et qu’ils trouveront rapidement preneur.

Vers une année normale ?

Par ailleurs, si 93 % des répondants croient que leur entreprise atteindra ses objectifs pour l’année, près de 40 % d’entre eux « s’attendent à un recul des marges ». Selon une majorité de détaillants, les revenus enregistrés au cours de 2022 seront assurément en hausse par rapport à l’an dernier, année marquée notamment par des fermetures, des limites du nombre de clients et la mise en place du passeport vaccinal. Nombre de commerçants québécois ont plutôt les yeux tournés vers 2019 et souhaitent atteindre la même performance en misant sur l’été. Ainsi, l’année en cours symbolisera-t-elle un retour à la normale avec d’aussi bonnes ventes qu’avant la pandémie ?

« La réponse simple, c’est oui », répond Jean-François Transon, président de Club Chaussures et de Nero Bianco. « Je m’attends à une performance aussi bonne en 2019 et même un peu mieux. Mais je préfère dire que je veux au moins égaler 2019 », ajoute-t-il, avouant dans la foulée être un « optimiste prudent ».

Ça suffit, le confinement. Les gens veulent bouger, sortir, aller dehors, donc ils vont s’équiper. Depuis deux semaines, les ventes de magasins comparables sont supérieures à 2019 ; ça va avec le retour du beau temps.

Jean-François Transon, président de Club Chaussures et de Nero Bianco

« Je ne peux pas me prononcer pour les détaillants des autres industries, mais pour le plein air et pour La Cordée, on entrevoit d’un très bon œil l’année 2022, dit de son côté Cédric Morisset. Notre but, c’est d’atteindre des chiffres semblables à ceux de 2019. »

L’année 2019 a été difficile pour le spécialiste du sport et du plein air, qui a connu des ennuis financiers. L’entreprise, qui s’était placée à l’abri de ses créanciers en février 2020, est devenue la propriété de Mach Capital, société de capital d’investissement privé, en août de la même année. L’entreprise veut maintenant prendre de l’expansion.

Populaire depuis le début de la pandémie, l’industrie du sport et du plein air ne s’essoufflera pas dans l’avenir, selon le grand patron de La Cordée. « On touche à plusieurs sports, rappelle-t-il. Si tu as renouvelé ton équipement de camping, il reste que tu peux toujours t’acheter d’autres accessoires, une gamelle, de la nourriture. Si tu fais du vélo, tu vas peut-être avoir besoin de nouveaux souliers, d’une nouvelle sacoche, d’un nouveau casque, de nouveaux cuissards. »

Plusieurs défis à l’horizon

La Cordée ouvrira d’ailleurs à Québec le 21 avril son sixième magasin, selon un tout nouveau concept que M. Morisset qualifie de « chalet urbain ». Foyer au centre, mur d’escalade pour les enfants et banc de test pour les chaussures sont autant d’éléments qui feront partie du décor du magasin de 13 000 pi⁠2. Celui de Montréal, dont l’ouverture est prévue en novembre, sera aménagé selon le même concept.

Dans cette optique d’ouverture de magasins et de reprise, Pierre-Olivier Mercier croit aussi que les gens sont « prêts à consommer ». « Pour l’instant, les premiers mois de l’année ne sont pas plus forts qu’en 2019, admet-il toutefois. On s’attend par contre à un été fort : les festivals et le tourisme recommencent. On s’attend à un retour à la normale », ajoutant que la saison estivale pourrait être aussi bonne qu’en 2019.

« On y croit, mais je reste quand même prudent, insiste-t-il. J’ai appris dans le commerce de détail à ne pas être trop excité et à attendre de voir comment les choses se passent. »

Par ailleurs, selon les résultats de cette enquête, 77 % des détaillants interrogés disent s’attendre à ce que la concurrence pour attirer des talents qualifiés et compétents s’accentue dans la prochaine année. Les pénuries de main-d’œuvre les plus importantes devraient surtout toucher les activités des magasins, les technologies de l’information et le service à la clientèle, selon Deloitte Canada.

Avec La Presse Canadienne