Desjardins a accordé des millions de dollars en prêts hypothécaires à Pauline Cauchefer, une jeune femme d’affaires accusée de rénovictions systématiques. Après les révélations de La Presse, le Mouvement dit cependant vouloir « procéder à des vérifications » sur ces financements, puis « agir en conséquence ».

Nous expliquions les 25 et 26 novembre comment cette coqueluche des clubs d’investisseurs immobiliers est dénoncée pour ses pratiques, qualifiées de « sauvages » par le représentant d’un comité de logement d’Hochelaga-Maisonneuve.

Pauline Cauchefer, 24 ans, dit avoir acquis 100 appartements. Pour mettre la main dessus, la jeune femme d’affaires a contracté de nombreux prêts privés, mais aussi des financements classiques auprès de quatre caisses Desjardins. Sur les 12 immeubles que ses entreprises ou elle détiennent, huit sont grevés d’une hypothèque en faveur du Mouvement.

Au total, Desjardins a accordé pour au moins 5,55 millions en financements hypothécaires à Pauline Cauchefer et ses associés, selon nos recherches au registre foncier. La Presse n’a pu identifier aucune autre grande institution financière parmi ses prêteurs.

« Vérifications plus poussées »

Le Mouvement assure qu’il ignorait tout des stratagèmes qu’utilisait l’investisseuse pour rénover et vider ses immeubles de leurs locataires, avant d’en installer de nouveaux. « À la lumière des récentes informations au sujet de Mme Cauchefer, nous allons procéder à des vérifications plus poussées et agirons en conséquence », dit Chantal Corbeil, porte-parole.

Elle n’a pas dit clairement si Desjardins pourrait rappeler certains des prêts accordés. « Nous examinerons les différentes possibilités, mais rien n’est défini pour le moment. »

Pauline Cauchefer a refusé d’accorder une entrevue à La Presse. Dans des réponses partielles à nos questions par courriel, elle a cependant expliqué qu’elle faisait affaire avec Desjardins parce que « c’est un très bon prêteur, flexible et rapide dans ses prêts ».

Contre-lettres

Dans le cas de certains des immeubles que le Mouvement a financés, le nom de Pauline Cauchefer ou de ses entreprises n’apparaît même pas au registre foncier, signale toutefois Chantal Corbeil.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOOK

Le Mouvement Desjardins dit qu’il ignorait que Pauline Cauchefer était propriétaire de certains des immeubles qu’il a financés à coups de millions.

C’est le cas des deux propriétés qu’elle possède avec des partenaires dans Hochelaga-Maisonneuve. Comme l’expliquait La Presse, l’investisseuse a acquis 49 % et 50 % des parts de ces immeubles par l’entremise de « contre-lettres » confidentielles. Ces contrats secrets viennent préciser la volonté réelle des parties, qui diffère de ce que mentionne l’acte d’achat. Ils sont utilisés de façon « rarissime », assurait à La Presse Benoît Rivest, du Centre d’expertise en droit notarial de la Chambre des notaires.

Le Mouvement dit qu’il ignorait l’existence de ces contre-lettres. « Desjardins fait du financement à des emprunteurs qui sont clairement identifiables, mentionne Chantal Corbeil. L’utilisation des prête-noms n’est pas une pratique recommandée. »

Aujourd’hui, des partenaires de Pauline Cauchefer par l’intermédiaire de ces contrats secrets ont déposé des poursuites pour qu’elle leur cède ses parts. Ils lui reprochent des « détournements de fonds » et de ne pas avoir pris en main les rénovations et les relations avec les locataires, tel que convenu.

Dans ses réponses à La Presse, Desjardins reconnaît que ces associés ont déjà pâti de la situation. « La prudence est de mise. Nous ne voulons pas qu’ils souffrent davantage », écrit Chantal Corbeil.

Par ailleurs, les actes de garantie hypothécaire que fait signer Desjardins stipulent que ses clients doivent le mettre au courant de toute résiliation de bail. « Les revenus de location considérés sont des revenus de location actuels et non projetés », ajoute la porte-parole.

Autrement dit, le Mouvement assure qu’il n’accorde pas des prêts sur la base de loyers qui exploseraient après des rénovations majeures. « L’accès au logement est un enjeu important pour Desjardins. »