Les entreprises qui détiennent des permis d’exploration pétrolière et gazière attendent de pied ferme le gouvernement du Québec, qui doit officiellement leur annoncer la fin de leurs activités. Des compensations de plusieurs dizaines de millions de dollars seront réclamées.

« Ce n’est pas une affaire de quelques millions », dit simplement Mario Lévesque, président et chef de la direction de Ressources Utica, qui se retrouve un peu malgré lui porte-parole de ces entreprises dont le gouvernement du Québec ne veut plus.

La décision du gouvernement Legault de mettre fin à l’exploration du pétrole et du gaz au Québec est regrettable, selon l’industrie. Elle ne fera pas diminuer la consommation de gaz naturel du Québec, qui continuera de s’approvisionner à l’extérieur, alors que le même gouvernement prône l’achat local et que la Caisse de dépôt continue d’investir dans cette forme d’énergie.

Le gaz naturel est présent au Québec, en quantité considérable, ont conclu plusieurs études spécialisées, dont celle de la Commission géologique du Canada.

On fait un X sur un potentiel de développement local de plusieurs milliards de dollars », déplore Mario Lévesque. Je suis déçu, parce que j’aurais aimé créer cette richesse et en faire un fonds des générations, comme en Norvège.

Mario Lévesque, président et chef de la direction de Ressources Utica

La possibilité que les entreprises qui détiennent les droits d’exploration ne soient pas indemnisées financièrement pour l’annulation de leurs activités ne devrait même pas être envisagée, selon lui.

Les entreprises qui ont payé leurs permis et investi selon les règles du jeu ont le droit d’être dédommagées si les règles du jeu changent. « Les investisseurs étrangers, qu’on veut beaucoup attirer au Québec, regardent ça », souligne Mario Lévesque.

Selon lui, la volte-face gouvernementale risque de nuire à d’autres secteurs, comme celui des mines, qui dépend beaucoup de l’investissement étranger.

Chaque fois qu’il est question d’enlever des droits à des entreprises qui ont respecté les lois en vigueur, l’Association de l’exploration minière du Québec dresse en effet l’oreille, selon sa directrice générale, Valérie Fillion.

Des environnementalistes, appuyés par Québec solidaire, ont demandé au gouvernement de ne pas indemniser les entreprises qui détiennent des permis d’exploration de pétrole et de gaz.

« Si tu fais ça, tu envoies un très mauvais message aux investisseurs étrangers », estime Valérie Fillion, qui souligne que le Québec est très présent sur la scène internationale pour vanter les atouts de la province.

Combien ?

Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Québec n’a pas encore fait part de ses intentions à l’industrie. Un projet de loi devrait être présenté dans les prochaines semaines, indique le cabinet du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien.

Idéalement, ce genre de litige « se règle autour d’une table », dit Mario Lévesque.

La seule question à débattre est l’ampleur du dédommagement à accorder à la dizaine d’entreprises qui détiennent actuellement 182 permis valides.

Les entreprises sont tenues de faire rapport annuellement au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles au sujet des travaux réalisés sur leurs propriétés. Pourtant, le même Ministère affirme qu’il ne tient « aucune compilation des données sur les dépenses annuelles d’exploration pétrolière et gazière au Québec », selon la réponse fournie à La Presse par courriel.

Une réponse incompréhensible, selon Mario Lévesque. Ressources Utica, pour sa part, estime qu’elle a dépensé au minimum 2 millions par année pour le maintien de ses permis. Les dépenses liées aux permis sont une chose, le temps perdu et les profits escomptés en sont d’autres, précise son président.

Le cas d’Anticosti, où les entreprises de pétrole et de gaz ont été encouragées à investir avant d’être bannies à la suite d’un changement de gouvernement, donne une idée du coût qu’il faudra payer cette fois-ci.

En 2017, cinq entreprises ont reçu des compensations totalisant 61,9 millions pour l’annulation de leurs permis, dont Pétrolia (29,5 millions) et Corridor Resources (19,7 millions).

« Le seul critère du gouvernement, c’est que ça coûte le moins cher possible », dit Pierre Arcand, qui était ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles lors d’un règlement du dossier Anticosti.

Il faut donc tenter d’éviter que le litige se trouve devant les tribunaux, selon lui, parce que la facture sera plus élevée. C’est bien mal connaître le monde des affaires que de croire que le gouvernement peut éviter de payer des compensations aux entreprises, estime l’ancien ministre.

Le cas de Lone Pine, une entreprise américaine qui avait investi dans l’exploration de pétrole et de gaz dans le golfe du Saint-Laurent, apporte matière à réflexion. Lone Pine conteste depuis 2012 la décision du gouvernement du Québec d’avoir interdit toute activité pétrolière et gazière dans le fleuve Saint-Laurent et d’avoir annulé ses permis sans compensation.

L’entreprise a porté plainte en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain et réclame des dommages de 118 millions US. Presque 10 plus tard, les parties sont toujours en attente d’une décision.

Les permis d’exploitation en vigueur

Nombre : 182, dont 67 dans les basses-terres du Saint-Laurent et 63 en Gaspésie.

Superficie : 32 000 km2

Source : MERNQ