(Montréal) Un regroupement d’entreprises québécoises produira d’ici la fin du mois un carburant durable pour le secteur de l’aviation. Le carburant devrait être commercialisé en 2025, soit cinq ans plus tôt qu’initialement prévu.

L’usine pilote du Consortium SAF+ située dans l’est de Montréal est prête à entrer en production d’ici la fin du mois, affirme Jean Paquin, son président et directeur général, lors d’une conférence de presse virtuelle pour annoncer un partenariat avec Airbus. Dans le cadre d’une entente avec le gouvernement canadien, SAF+ devait produire une « certaine quantité de carburant » d’ici la fin août. « Ça va se faire, répond M. Paquin. On est en train de terminer les derniers préparatifs. »

L’objectif du regroupement montréalais est de produire 30 millions de litres de carburant durable en 2025. L’échéancier a été devancé. Au printemps dernier, Consortium SAF+ prévoyait plutôt une phase de précommercialisation de 3 millions de litres en 2025 pour ensuite augmenter la production à 30 millions de litres en 2030. « Après avoir effectué des analyses de marché, nous avons décidé de commencer la commercialisation dès 2025. »

Air Transat, qui compte parmi les entreprises du consortium, fera partie des clients de SAF+, selon une entente conclue en mars 2020. M. Paquin n’a pas voulu dévoiler la part des 30 millions de litres qui sera réservée à Transat, mais il a précisé qu’il s’agissait de « volumes importants ». En plus de Transat, SAF+ regroupe Hydro-Québec, l’Aéroport de Montréal, Polytechnique Montréal et Aéro Montréal.

Une petite partie du « mélange »

Connu sous le nom de Power-to-Liquid synthetic e-fuel (PtL), le carburant durable est produit en captant le CO2 des grands émetteurs industriels, qui est par la suite synthétisé avec de l’hydrogène renouvelable. SAF+ estime que son carburant aura une empreinte carbone de 80 % inférieure à celle du carburant classique. Pour le moment, le PtL ne se substituera pas complètement au kérosène dans le réservoir des avions, mais il y sera mélangé pour en remplacer une partie.

L’un des principaux défis pour l’adoption du carburant durable est son coût de production, a expliqué M. Paquin. Il ne s’agit pas d’un obstacle insurmontable, a-t-il assuré. En moyenne, le prix du carburant durable peut être de trois à dix fois plus élevé. Le coût de production pour SAF+ se situerait « au bas de cette fourchette », précise-t-il. « Il n’y aura qu’une petite partie de carburant durable qui sera versée dans le réservoir. La variation de coûts pour l’ensemble du mélange sera minime. Certaines études canadiennes estiment qu’il s’agit de quelques dollars par passager. »

Partenariat avec Airbus

SAF+ et Airbus ont annoncé jeudi un partenariat où la société aérospatiale française s’engage à partager son expertise technique et économique ainsi qu’à mobiliser les acteurs du milieu, a précisé Steven Le Moing, responsable du programme New Energy d’Airbus, lors de la conférence. Pouvoir compter sur l’appui d’une grande société comme Airbus est un développement « extrêmement important » pour SAF+, a ajouté M. Paquin.

Le dirigeant n’a pas voulu préciser combien d’employés participeraient au projet et combien d’entre eux seront basés au Canada. Il a assuré que l’initiative pourrait compter sur l’expertise d’Airbus à travers le monde, mais que des employés canadiens seraient mis à contribution. La société emploie 3800 personnes à travers le Canada. Rappelons qu’Airbus est l’acquéreur de la CSeries de Bombardier, qui porte maintenant le nom de A220. Le programme est basé à Mirabel.

L’annonce du partenariat est survenue au lendemain du dévoilement par la Commission européenne d’une série de mesures pour lutter contre le réchauffement climatique. Parmi elles, la Commission veut taxer le kérosène utilisé dans les avions dès 2023. Cette taxe augmenterait progressivement au cours des dix prochaines années.

M. Le Moing a souligné qu’Airbus appuie cette initiative. Il a jouté que le plan « Fit for 55 » (paré pour 55) prévoit aussi des cibles minimales d’utilisations de carburant durable. L’annonce du partenariat avec SAF+ démontre les efforts faits par Airbus pour réduire son empreinte carbone, selon lui. « On veut s’assurer que les objectifs d’incorporation soient en ligne avec les capacités de production. »