(Washington) Des experts et des ambassadeurs à travers le continent exhortent les entreprises nord-américaines à rester vigilantes pour bien saisir les opportunités de croissance et lire avec attention les petits caractères du nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada (ACEUM), qui entre en vigueur mercredi.

Alors que certaines entreprises se préparent et font preuve de diligence depuis des mois, Paul Burns, avocat en commerce international au Bureau de Baker McKenzie à Toronto, croit que d’autres ont attendu jusqu’à la dernière minute pour s’informer, si l’on se fie à la soudaine montée d’intérêt pour ses séminaires en ligne sur l’ACEUM.

« Je pense qu’il y a maintenant un réel intérêt à comprendre ce que l’accord signifie pour les entreprises et quelles mesures doivent être prises d’ici le 1er juillet pour pouvoir bénéficier des avantages de ce nouvel accord », a déclaré Me Burns.

L’accord entre en vigueur dans un contexte familier : des menaces de nouveaux tarifs de 10 % planent sur les exportations canadiennes d’aluminium, qui, selon l’ambassadeur des États-Unis au commerce Robert Lighthizer, ont dépassé les niveaux acceptables au cours des derniers mois.

L’aluminium canadien est très prisé au sud de la frontière, où la capacité de fabrication existante ne peut répondre qu’à une fraction de la demande, a déclaré le premier ministre Justin Trudeau lundi. L’imposition de tarifs ne ferait que ralentir les deux pays, a-t-il soutenu, alors que les deux économies ont du mal à se remettre de l’impact de la pandémie de COVID-19.

Les États-Unis ont besoin d’aluminium canadien, car « ils n’en produisent pas assez » pour répondre à leurs besoins, a avancé Justin Trudeau.

« S’ils imposent des tarifs sur l’aluminium canadien, ils augmentent simplement les coûts des intrants nécessaires aux secteurs de la fabrication, ce qui nuira à l’économie américaine. Encore une fois, nous constatons que nos économies sont si étroitement liées que les mesures punitives de l’administration américaine finissent par blesser les Américains de la même façon qu’ils finissent par blesser les Canadiens. »

Le premier ministre du Québec, François Legault, dont la province abrite la majeure partie des fonderies d’aluminium du Canada, a exhorté son homologue fédéral à prendre fermement position contre tout nouveau tarif, qui, selon lui, serait le résultat direct des pressions politiques auxquelles est soumis le président américain Donald Trump.

De toute évidence, des élections l’attendent en novembre, a souligné M. Legault mardi.

« C’est sûr que ça nous ferait très mal. J’ai demandé au gouvernement fédéral d’être très dur avec les Américains. »

Justin Trudeau soutient que l’accord de libre-échange protège la propriété intellectuelle, assure la sécurité des constructeurs automobiles et donne aux investisseurs l’assurance que le Canada aura un accès privilégié au marché américain pour les années à venir.

L’avocat en commerce international Paul Burns estime que c’est l’occasion pour les entreprises de s’assurer que leur expertise commerciale interne est bien au fait des nouvelles règles.

Ces règles peuvent être similaires à celles de l’ALENA, mais peuvent également s’en écarter sur des points cruciaux et ainsi coûter de l’argent aux entreprises qui ne les auraient pas pleinement comprises. Les produits qui n’étaient pas admissibles à un traitement de franchise de droits en vertu de l’ALENA pourraient désormais remplir les conditions nécessaires, a-t-il illustré.

Le nouvel accord va bien au-delà des domaines traditionnels du commerce canadien comme l’agriculture, les ressources naturelles et la production industrielle, et comprend maintenant des dispositions spécifiques pour les petites entreprises, en particulier celles dirigées par des femmes et des personnes d’horizons divers, a souligné Ailish Campbell, déléguée commerciale en chef du Canada.

« Ces dispositions existent pour eux », a déclaré Ailish Campbell lors d’une table ronde organisée mardi par le Wilson Center de Washington. Avec la croissance explosive du commerce électronique au cours des dernières années, l’accord permettra de réduire les coûts et les formalités administratives tout en reliant les acheteurs aux vendeurs partout en Amérique du Nord, a-t-elle ajouté.

Avec l’aide d’Exportation et développement Canada et de ses partenaires provinciaux, les petites et moyennes entreprises auront un meilleur accès à du financement commercial, à la couverture d’assurance et à des capitaux de croissance en vertu de l’ACEUM, a-t-elle déclaré, ce qui le distingue de l’accord précédent, dont le manque d’inclusivité était une grande faille.

« Le vrai défi pour nous est de s’assurer que tous les propriétaires d’entreprise comprennent que l’accès préférentiel au marché pour lequel on s’est battu et qui a été intégré dans cet accord leur est destiné. »

Ailish Campbell a noté qu’il valait également la peine de garder à l’esprit l’impact persistant de la pandémie de COVID-19 et l’importance de veiller à ce que l’accord offre un avantage économique à autant de gens que possible en Amérique du Nord.

Dans une déclaration commune publiée mardi soir pour souligner l’entrée en vigueur de l’accord, une coalition de chefs d’entreprise à travers les trois pays signataires a appelé les gouvernements à faire exactement cela et à résister à la tentation d’imposer de nouveaux tarifs ou d’autres barrières commerciales.

« L’ACEUM peut accélérer la reprise économique en Amérique du Nord », notamment en fournissant la stabilité dont les entreprises ont tant besoin, peut-on lire dans le communiqué du Conseil canadien des affaires, de la Business Roundtable des États-Unis et du Conseil mexicain des affaires.

« Nous exhortons les trois gouvernements à donner la priorité au dialogue et à la coopération et à résister à l’imposition de droits, y compris les tarifs de l’article 232, et d’autres barrières ou mesures qui saperont les objectifs de l’accord commercial global et affaibliront la compétitivité nord-américaine. »