À titre de responsable des investissements québécois dans la société de capital de risque Inovia, Magaly Charbonneau a la tâche de superviser les projets de financement dans les start-up québécoises du nouveau fonds de 200 millions US que lance aujourd’hui la firme montréalaise.

Un défi qui convient à merveille à Magaly Charbonneau, qui a été durant 25 ans une entrepreneure en technologie – qui a participé activement au succès de trois entreprises en démarrage – avant de décider de passer du côté du monde de l’investissement.

Vous avez été durant 25 ans entrepreneure en technologie en mettant sur pied et en développant trois start-up, mais vous avez décidé de faire le saut en 2017 du côté du monde de l’investissement. Qu’est-ce qui a motivé cette réorientation de carrière ?

Lors de la vente de notre dernière entreprise, PasswordBox, à Intel, en 2014, une clause de rétention dans la transaction nous engageait à demeurer trois ans avec Intel pour assurer la poursuite du développement de PasswordBox.

Intel, c’est un géant des technologies, et ç’a été une belle expérience de travailler avec eux, mais je savais que je ne resterais pas dans une grosse organisation une fois mon engagement terminé.

C’est là que j’ai rencontré Chris Arsenault, le président d’Inovia, qui m’a invitée à investir dans le fonds Inovia 2015. On se connaissait déjà puisqu’on était tous les deux actifs dans l’écosystème du capital de risque.

En 2016, Chris m’a demandé de me joindre au comité d’investissement du fonds Inovia 2015. Mon rôle était d’analyser les demandes de financement que les gestionnaires du fonds avaient retenues.

Puis, en 2017, lorsque j’ai terminé mon engagement avec Intel, je me suis jointe à temps plein à Inovia en devenant vice-présidente responsable des investissements québécois.

Inovia investit au Québec, au Canada et aux États-Unis et aussi en Europe. Mon rôle est d’identifier les start-up québécoises que l’on peut amener à un autre stade de développement.

J’ai embarqué parce que la philosophie d’investissement d’Inovia est de miser d’abord sur les entrepreneurs et leur équipe qui vont développer des technologies qui vont améliorer la vie des gens et des entreprises.

Votre parcours d’entrepreneure reste tout de même surprenant. Vous avez participé à la mise sur pied de trois entreprises à succès. Comment est née chez vous cette passion des technologies et cette faculté à développer des succès ?

Je suis née et j’ai grandi dans une famille d’entrepreneurs qui exploite une entreprise dans un secteur très traditionnel, la vente de presses à imprimer.

J’étais aussi une athlète. Je faisais partie de l’équipe québécoise de volleyball et j’ai été recrutée lors des Jeux du Canada par l’Université York à Toronto pour faire partie de leur équipe.

Après mes études universitaires, j’ai pris la direction du bureau de Toronto de l’entreprise familiale où j’étais en charge de tout : finances, commercialisation, développement des affaires.

Lors d’une rencontre d’une association d’affaires à Toronto, j’ai fait la connaissance de deux frères qui m’ont invitée à investir dans l’entreprise techno qu’ils venaient de lancer, Hostopia, qui faisait des sites d’hébergement web pour les entreprises de télécommunications.

Je suis tombée en amour avec les technologies. J’ai quitté l’entreprise familiale pour devenir vice-présidente des ventes de Hostopia.

En 10 ans, on est passé de 10 à 400 employés. On a fait un premier appel public à l’épargne de 25 millions en 2006 et on a accepté une offre de 125 millions, en 2008, de la firme américaine Deluxe Corporation.

Vous avez réalisé un excellent rendement sur votre investissement, mais vous avez quand même décidé de réinvestir dans d’autres projets ?

Absolument. J’ai agi comme investisseur-conseil dans la start-up Anomalous Networks qui a été rachetée un an et demi plus tard par la firme Tangoe.

Puis je suis revenue vivre au Québec et j’ai réinvesti avec Daniel Robichaud, une bonne connaissance puisque j’avais tenté d’acheter une de ses entreprises, pour lancer PasswordBox, une start-up qui développait un logiciel pour gérer les mots de passe.

J’ai investi et j’ai pris la direction des opérations. On a monté un logiciel unique qui encryptait les mots de passe sur toutes les plateformes. Notre application a reçu le prix de l’application de l’année au Consumer Electronic Show.

On avait 20 millions d’applications d’installées lorsque Intel nous a fait une offre et que l’on a décidé de vendre en 2014.

On dirait justement que c’est le destin de toutes les entreprises technos. On développe un concept, une application et tout de suite on décide de vendre plutôt que d’essayer de créer une entreprise qui va se développer dans le temps. Est-ce la réalité que vous vivez maintenant comme investisseur ?

Ce n’est pas vrai. Avec PasswordBox, on visait justement à créer une grande entreprise qui allait durer dans le temps. C’était notre ambition.

Mais Apple et Google ont développé leur propre application de protection de mots de passe. Même si elles étaient limitées à leur seul réseau et qu’elles n’étaient pas sécurisées comme la nôtre.

Intel est arrivée dans le décor. Ils développaient leur système de reconnaissance faciale et s’intéressaient à notre banque de 20 millions d’utilisateurs.

On avait fixé à 100 millions le nombre d’applications téléchargées et Intel était en mesure d’atteindre cet objectif rapidement puisqu’elle pouvait installer notre logiciel dans les appareils de ses clients tels que Dell, Hewlett-Packard…

C’est le cheminement du processus qui nous a forcés à vendre et c’est le cas de nombreux entrepreneurs technos.

Avec le nouveau Fonds Inovia, vous souhaitez donc donner à ces entrepreneurs technos les moyens de poursuivre leurs ambitions ?

Tout à fait. Notre philosophie est de rester proches des entreprises dans lesquelles on investit. On ne fait pas qu’injecter des fonds, on les accompagne en leur offrant du soutien pour la commercialisation de leurs produits, de l’expertise externe, un réseau de contacts.

Inovia a participé à de grandes réussites, telles que Luxury Retreats, Lightspeed, Appdirect, Busbud ou Workfusion, et il y en a plusieurs autres en devenir et on va être là pour les accompagner.