La Direction de santé publique recommande pour la première fois de limiter la consommation d’eau potable à cause d’une contamination par les perfluorés.

L’avis est en vigueur dans la petite municipalité de Sainte-Cécile-de-Milton, au nord de Granby, dont l’école primaire décourage depuis le 24 octobre la consommation d’eau du robinet. Ce village de 2000 âmes n’a pas d’aqueduc, chaque bâtiment étant alimenté par un puits.

Les femmes enceintes, celles qui veulent le devenir et les bébés de moins de 1 an ne devraient pas boire de l’eau du robinet à Sainte-Cécile-de-Milton, a indiqué Mélissa Généreux, de la Direction de santé publique du CIUSSS de l’Estrie, lors d’une rencontre au centre communautaire qui a fait salle comble lundi soir. Une centaine de personnes étaient présentes.

Les gens habitant dans des secteurs ayant des concentrations supérieures aux « valeurs-guides », ou dans des secteurs où il n’y a pas eu de tests, devraient réduire leur consommation d’eau du robinet. De plus, les femmes enceintes et les bébés devraient éviter les aliments à base d’eau comme les soupes, mais peuvent manger des aliments lavés à l’eau du robinet.

La Dre Généreux a indiqué qu’il s’agissait d’une précaution semblable à celle concernant la prise d’acide folique dans l’année où une femme prévoit tomber enceinte.

Nouvelles normes

Découverts dans les années 1940, les perfluorés sont des contaminants très résistants, ce qui leur permet de s’accumuler dans l’environnement et les organismes vivants sans être dégradés. Ils sont notamment utilisés dans les revêtements antitaches, les antiadhésifs et les mousses anti-incendie de haute performance. On utilise aussi le sigle anglais PFAS, dont le sens se traduit par « substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées », pour parler des perfluorés.

Les normes canadiennes actuelles sur les perfluorés – datant de 2018 – sont jugées très élevées. Une nouvelle norme a toutefois été proposée l’hiver dernier, qui rabaisserait par un facteur de dix, à 30 nanogrammes par litre (ng/L), cette limite. Et un rapport d’octobre de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) mentionne que des seuils de 4 ng/L ne devraient pas être dépassés pour deux PFAS – les PFOS et les PFOA – pour les enfants de moins de 1 an et les femmes enceintes, ou projetant l’être. Ces PFAS ont aussi été identifiés dans une nouvelle norme proposée aux États-Unis.

Les concentrations de PFOA dépassent ce seuil de 4 ng/L à quelques endroits à Sainte-Cécile-de-Milton, près d’un lieu d’enfouissement, et celles de PFOS dépassent le seuil de 4 ng/L pour deux des quatre tests dans le centre du village. L’école Sainte-Cécile, dans le centre du village, qui compte 240 élèves, a des taux de PFOA de 7,35 ng/L et de PFOS de 9,5 ng/L, avec une concentration totale de tous les perfluorés mesurés de 38,5 ng/L.

« On propose d’être un laboratoire pour les PFAS au Québec, dit le maire Paul Sarrazin. On a besoin d’aide du ministère de l’Environnement pour faire tous ces tests. On a payé de notre poche jusqu’à maintenant. »

Le lieu d’enfouissement technique situé dans le secteur sud du village, qui était auparavant (depuis les années 1950) un dépotoir, n’explique pas tout, selon M. Sarrazin. « Normalement, la nappe phréatique coule de l’autre côté, pas vers le centre du village et l’école. Mais il y a de l’agriculture depuis longtemps. » Il pense que l’expérience de son village « bénéficiera à beaucoup de municipalités ».

Philippe Cantin, chef de la division de l’eau potable au ministère de l’Environnement, était présent à la rencontre et a annoncé des échantillonnages des eaux souterraines en novembre. La Dre Généreux a indiqué parler « pas mal tous les jours » avec le maire ces derniers temps.

Les résidants avaient beaucoup de questions sur le financement de filtres pour les perfluorés, certains s’inquiétant aussi de la présence de perfluorés dans les bouteilles d’eau. Un avocat représentant quelques citoyens a demandé d’où venait la contamination.

Début octobre, l’INSPQ avait fait un rapport déclarant l’eau de l’aqueduc de La Baie potable parce que les taux de PFOS et de PFOA étaient inférieurs à 4 ng/L, même si la somme des perfluorés mesurés dépassait une concentration de 30 ng/L.

Les PFOA et PFOS font partie des perfluorés bannis en 2004 par la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, qui couvre notamment les BPC.

En savoir plus
  • 13 à 15 ng/L
    Concentration de PFOA dans les puits de trois résidences du secteur de l’ancien lieu d’enfouissement sanitaire à Sainte-Cécile-de-Milton
    SOURCE : DSP