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Que se passe-t-il quand les particules fines PM2,5 s’installent dans les poumons ?

– Pierre Veres

Quand on respire, une partie des particules fines restent dans les poumons. Une autre partie migre vers les ganglions lymphatiques et d’autres organes, dont le cerveau.

« On trouve sans cesse de nouveaux endroits dans le corps où les particules fines s’accumulent », explique Dean Schraufnagel, pneumologue de l’Université de l’Illinois à Chicago qui a beaucoup publié sur cette question. « On n’écrit jamais sur un certificat de décès que la cause en est la pollution atmosphérique. Mais il est certain qu’il y a des effets négatifs un peu partout dans l’organisme. »

Quand il étudiait à l’Université McGill, dans les années 1970, le Dr Schraufnagel assistait des pathologistes qui dissolvaient les poumons de patients morts pour identifier les corps étrangers qui s’y trouvaient. « À l’époque, il y avait beaucoup plus de fumeurs, se souvient-il. Mais même chez les non-fumeurs, on retrouvait facilement une tasse de particules fines dans les tissus des poumons. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE L’ILLINOIS À CHICAGO

Le Dr Dean Schraufnagel (à gauche) avec son étudiant Mehdi Mirsaeidi

Les particules fines de plus de 10 micromètres – soit un centième de millimètre – sont généralement bloquées au niveau du nez et des voies respiratoires supérieures. Celles dont la taille est entre 5 et 10 micromètres s’arrêtent plus bas, au niveau de la trachée et des bronches. « Elles sont expulsées avec le mucus, dit le Dr Schraufnagel. Mais les particules de moins de 2,5 micromètres, les fameuses PM2,5, vont jusqu’aux poumons. Les plus grosses parmi les PM2,5 sont gobées par les macrophages, des molécules du système immunitaire. Ça permet de les remonter jusqu’au mucus et de s’en débarrasser. »

À un niveau de 0,1 micromètre, par contre, les particules peuvent entrer dans les vaisseaux lymphatiques et sanguins. « On parle de “particules ultrafines”, dit le Dr Schraufnagel. Avec le sang, elles peuvent arriver à d’autres organes, dont le cerveau. Et si elles entrent dans le système lymphatique, elles se rendent jusqu’aux ganglions. Normalement, dans les ganglions, le système immunitaire détruit les corps étrangers comme les bactéries. Mais les particules ultrafines ne peuvent pas être détruites parce qu’elles ne sont pas vivantes. Alors elles s’accumulent dans les ganglions, où les tentatives infructueuses du système immunitaire pour s’en débarrasser causent de l’inflammation. »

Barbara Maher fait partie des chercheurs qui ont montré comment les particules ultrafines arrivent au cerveau, notamment dans une étude publiée en 2016 dans la revue PNAS. « Il y a deux voies d’accès au cerveau pour les particules ultrafines », dit la biologiste de l’Université de Lancaster en Angleterre. « Elles peuvent transiter directement au cerveau par les nerfs olfactifs, à partir du nez. »

La deuxième voie d’accès est par le sang.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE LANCASTER

Barbara Maher, biologiste de l’Université de Lancaster

Nous avons réalisé que les particules ultrafines endommagent la barrière sang-cerveau. Ça leur permet d’accéder au cerveau.

Barbara Maher, biologiste de l’Université de Lancaster

Il pourrait y avoir une troisième voie d’accès au cerveau, pour des particules encore plus petites. « Les particules fines qui sont expulsées des poumons avec le mucus se retrouvent souvent dans l’estomac, parce que le mucus est avalé, dit Mme Maher. Elles peuvent alors entrer dans les nerfs qui vont du système digestif au cerveau. »

« Il nous faut maintenant comprendre si la composition chimique des particules fines influence leur impact sur le cerveau, expose Mme Maher. C’est très probable, surtout dans le cerveau. »

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