Des résidus de plastique s’accumulent dans les endroits les plus reculés du monde, qu’il s’agisse de lacs isolés ou de récifs de corail au milieu de l’océan. Deux nouvelles études sonnent l’alarme, avec deux lacs ontariens dans leur échantillon.

Ce qu’il faut savoir

• Deux études internationales font pour la première fois un portrait mondial de la pollution plastique dans les lacs et dans les récifs de corail.

• Les récifs de corail isolés sont surtout contaminés par des plastiques de l’industrie des pêcheries.

• Les lacs isolés sont surtout contaminés par des fibres textiles transportées par les vents.

• Un traité international sur la pollution plastique doit être négocié sous l’égide de l’ONU d’ici 2025.

Continent de plastique

« Dans certains lacs, la concentration de particules de plastique est supérieure à celle du continent de plastique au milieu du Pacifique », observe la biologiste Chelsea Rochman, de l’Université de Toronto, qui signe un commentaire accompagnant les deux études, mercredi dans la revue Nature. « C’est frappant. Ça confirme que le facteur le plus important pour la pollution plastique est la proximité de populations. »

Deux lacs canadiens

L’étude de 38 lacs et réservoirs, cosignée par une cinquantaine de chercheurs du monde entier, portait notamment sur deux petits lacs ontariens, Dickie et Plastic, situés à l’est de la baie Georgienne. La concentration de plastique y est parmi les plus faibles observées, soit moins d’une particule par mètre cube d’eau. Les densités les plus élevées, entre 6 et 13 particules par mètre cube, sont observées dans le lac de Lugano et le lac Majeur en Italie ainsi que le lac Tahoe, au Nevada et en Californie. Les filets utilisés pour détecter le plastique avaient des mailles de 0,25 mm et 84 % des particules mesuraient moins de 5 mm. « Dans les lacs isolés, on trouvait surtout des fibres textiles, longues mais légères, probablement transportées par l’atmosphère », dit Veronica Nava, de l’Université de Milan-Bicocca, l’auteure principale de l’étude sur les lacs.

Les récifs mésophotiques

Les plastiques des lacs et océans
  • Ligne d’ancrage en nylon dans un récif des Palaos, à 100 m de profondeur

    PHOTO LUIZ ROCHA, FOURNIE PAR NATURE

    Ligne d’ancrage en nylon dans un récif des Palaos, à 100 m de profondeur

  • Ligne de pêche dans un récif de l’archipel de Saint-Pierre et Saint-Paul, à 1000 km du Brésil, à 80 m de profondeur

    PHOTO LUIZ ROCHA, FOURNIE PAR NATURE

    Ligne de pêche dans un récif de l’archipel de Saint-Pierre et Saint-Paul, à 1000 km du Brésil, à 80 m de profondeur

  • Ces coraux Acropora des Philippines, situés à 15 m de profondeur, sont complètement recouverts d’un filet de pêche qui entrave leur croissance.

    PHOTO LUIZ ROCHA, FOURNIE PAR NATURE

    Ces coraux Acropora des Philippines, situés à 15 m de profondeur, sont complètement recouverts d’un filet de pêche qui entrave leur croissance.

  • Oursin (Asthenosoma varium) accroché à un fil de pêche à 130 m de profondeur dans un récif de corail des Philippines, avec un sac de plastique bleu en guise de camouflage

    PHOTO LUIZ ROCHA, FOURNIE PAR NATURE

    Oursin (Asthenosoma varium) accroché à un fil de pêche à 130 m de profondeur dans un récif de corail des Philippines, avec un sac de plastique bleu en guise de camouflage

  • Sacs de plastique dans des coraux des Philippines, à 10 m de profondeur. Les coraux en contact avec le plastique sont blancs, ce qui signifie qu’ils sont en train de mourir.

    PHOTO LUIZ ROCHA, FOURNIE PAR NATURE

    Sacs de plastique dans des coraux des Philippines, à 10 m de profondeur. Les coraux en contact avec le plastique sont blancs, ce qui signifie qu’ils sont en train de mourir.

  • Fils de pêche endommageant des coraux au Cap-Vert, à 70 m de profondeur

    PHOTO LUIZ ROCHA, FOURNIE PAR NATURE

    Fils de pêche endommageant des coraux au Cap-Vert, à 70 m de profondeur

  • Particules fines de plastique retrouvées dans les particules en suspension dans un lac italien

    PHOTO VERONICA NAVA, FOURNIE PAR NATURE

    Particules fines de plastique retrouvées dans les particules en suspension dans un lac italien

  • Petits morceaux de plastique retrouvés dans un lac italien

    PHOTO VERONICA NAVA, FOURNIE PAR NATURE

    Petits morceaux de plastique retrouvés dans un lac italien

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L’étude sur les récifs comprenait pour la première fois des récifs mésophotiques, situés entre 30 et 100 mètres de profondeur, donc relativement loin des côtes. « L’étude du plastique dans les récifs est peu systématisée parce que les plastiques se prennent sur les coraux », explique l’auteur principal de l’étude, Hudson Pinheiro, de l’Université de São Paulo au Brésil. « Il faut donc y aller à la main. »

L’information la plus frappante du plastique dans les récifs mésophotiques est qu’il provient principalement de l’industrie de la pêche, selon la biologiste Isabelle Côté, spécialiste des coraux de l’Université Simon Fraser.

« Ça confirme qu’il faut viser les pêcheries pour vraiment faire face au problème du plastique dans les récifs de corail », dit Mme Côté, qui estime par ailleurs que les changements climatiques et les impacts directs de la pêche ont des effets plus importants sur les coraux situés loin des côtes. Les chercheurs ne recensaient que les plastiques de plus de 5 cm et en ont trouvé dans 77 des 84 récifs de corail étudiés.

Le traité

Ces résultats rendent encore plus urgentes les négociations pour un traité sur la pollution plastique, selon Chelsea Rochman. « L’échéance pour conclure le traité est fin 2024, dit la biologiste. J’espère que des résultats comme ceux-ci vont secouer l’opinion publique et les décideurs. » Les résultats publiés dans Nature seront importants pour mieux comprendre quelles caractéristiques hydrographiques – la taille et la profondeur les lacs, les courants – influencent le transport et l’accumulation de plastiques et de microplastiques. « C’est seulement avec ces informations que nous pourrons bien comprendre l’effet du plastique sur les organismes vivants. »

La gestion des déchets

Les interdictions des sacs et objets de plastique à usage unique ont-elles des effets déjà observables ? « Il est trop tôt pour le voir », dit Mme Rochman. Elle s’attend à ce qu’une diminution soit observée à partir de l’an prochain dans les sites de collecte des microplastiques qu’elle a installés au port de Toronto et dans les lacs environnants. « Il est certain que les concentrations les plus élevées sont probablement liées à des problèmes de gestion des déchets, estime quant à elle Veronica Nava. Mais l’efficacité de l’enlèvement des ordures et matières recyclables est une variable encore peu étudiée pour la pollution plastique. » La biologiste milanaise veut aussi se pencher sur les microorganismes qui vivent sur le plastique, un écosystème appelé « plastisphère ».

En savoir plus
  • 11 milliards
    Quantité de débris de plastique présents dans les récifs de corail du Pacifique
    Source : Nature