« Désinformation », théories « périmées » : le livre La Culture générale pour les nuls — Édition Québec fait hurler des scientifiques en raison d’erreurs au sujet du réchauffement climatique et du système solaire. La maison d’édition promet de rectifier le tir.

Les spécialistes du climat ne s’entendraient pas sur la cause et les conséquences des changements climatiques, affirme erronément la publication.

Le livre, publié en 2017 et récemment remis en évidence sur les présentoirs des librairies Renaud-Bray avec la mention « coup de cœur », met en opposition les théories du réchauffement climatique et du refroidissement climatique.

« C’est complètement farfelu, c’est vraiment écrit par des négationnistes », s’enflamme Normand Mousseau, directeur de l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, lui-même auteur d’un ouvrage sur la crise climatique.

« On veut mettre sur un pied d’égalité deux hypothèses qui ne le sont pas », dit-il.

« La communauté scientifique parle d’une seule voix », ajoute Alexis Hannart, chercheur principal en science du climat à Ouranos, qui se dit « complètement abasourdi » qu’une publication « laisse penser qu’il y a encore un doute sur la question ».

C’est La Culture générale pour les nuls, mais surtout par les nuls.

Alexis Hannart, chercheur en science du climat à Ouranos

La publication de telles informations peut avoir des conséquences importantes, craint Normand Mousseau, qui donne l’exemple d’enseignants qui pourraient utiliser ce livre pour expliquer les changements climatiques aux enfants.

« Ce n’est pas un livre de vulgarisation ; c’est un livre de désinformation », martèle-t-il.

Les deux experts soupçonnent que les auteurs aient confondu deux phénomènes différents.

Bien que certaines conséquences de l’activité humaine puissent avoir pour effet de refroidir l’atmosphère, comme les aérosols et les particules fines qui font obstacle aux rayons du soleil, « l’effet dominant de l’activité humaine, c’est le réchauffement », explique Alexis Hannart.

« À la différence des gaz à effet de serre qui vont continuer d’augmenter, les particules fines sont déjà en décroissance », ce qui entraînera « une baisse du refroidissement, donc un réchauffement supplémentaire », ajoute-t-il.

« S’ils ont fait une erreur aussi grossière sur ce sujet, on ne voit pas pourquoi ils n’en feraient pas sur d’autres sujets », s’inquiète Alexis Hannart.

Erreur sur la ceinture d’astéroïdes

La ceinture d’astéroïdes qui se trouve entre les planètes Mars et Jupiter pourrait être le résultat de la désintégration d’une « planète de grande taille », avance La Culture générale pour les nuls.

Or, il s’agit là d’une « très vieille hypothèse qui remonte au début du XXe siècle, peut-être même avant », s’étonne Robert Lamontagne, coordonnateur du Centre de recherche en astrophysique du Québec.

L’explication moderne est que ces astéroïdes sont des débris de la formation du système solaire, « des cailloux qui ne se sont jamais agglutinés », illustre-t-il. « On sait très bien que ça ne représente pas une planète qui a explosé », dit-il.

L’idée n’était pas mauvaise il y a 100 ou 150 ans, mais elle ne tient plus la route maintenant. [...] Même Wikipédia est correct là-dessus !

Robert Lamontagne, coordonnateur du Centre de recherche en astrophysique du Québec

L’éditeur promet une révision

La préface de l’édition québécoise de La Culture générale pour les nuls est signée par l’ancien journaliste de Radio-Canada Gilles Gougeon, qui vante la quantité d’informations « vérifiées par des spécialistes compétents » que contient l’ouvrage.

Le livre a été publié au Québec par les Éditions de l’Homme, qui avaient pour mission d’ajouter des « passages propres à la culture d’ici », comme sur la télévision, a expliqué à La Presse Liette Mercier, directrice de l’édition, précisant que l’essentiel du contenu provient de la version originale publiée en France aux Éditions First.

« Les paragraphes en question seront revus dès la prochaine réimpression de ce livre, car nous ne saurions contribuer à diffuser le moindre doute à ce propos », a déclaré à La Presse la directrice éditoriale des Éditions First, Marie-Anne Jost-Kotik, soulignant que le texte original datait de 2006.

« Nous regrettons bien sûr que les relectures et notamment la dernière révision approfondie pour l’édition québécoise de 2017 n’aient pas conduit à modifier ces lignes », a-t-elle ajouté.

Mme Jost-Kotik fait valoir que sa maison d’édition a aussi publié Le Changement climatique pour les nuls, en collaboration avec le Fonds mondial pour la nature (WWF), démontrant ainsi à quel point le sujet lui tient à cœur.

Renaud-Bray affirme quant à elle que les « coups de cœur » sont des « recommandations de lecture » qui ne cautionnent pas le contenu des ouvrages sélectionnés.

« Compte tenu qu’il paraît chaque année plus de 30 000 nouveaux livres, nous ne pouvons en aucun cas nous porter garants de la véracité du contenu de chacun », a écrit à La Presse la directrice du marketing et des communications de l’entreprise, Émilie L. Laguerre.