Le Grand Nord du Québec fait face à une flambée inquiétante de tuberculose, qui met sous pression un système de santé déjà fragile et entraîne l’annulation d’un important festival.

Depuis le début de l’année, 59 cas de tuberculose ont été détectés dans au moins cinq villages de la région. Si la tendance se maintient, 2023 marquera un nouveau record récent pour la propagation de la maladie.

« Il y a effectivement des éclosions de tuberculose dans quelques communautés du Nunavik », a expliqué Yassen Tcholakov, chef clinique en maladies infectieuses à la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, en entrevue téléphonique. Il a refusé d’identifier lesquelles, à la demande des autorités inuites.

Cinquante-neuf malades, « c’est plus grand que l’année dernière au complet », a-t-il souligné. « Pendant les deux années et demie de COVID, beaucoup de services ont été annulés, beaucoup de services ont été reportés. […] On a vu moins de cas parce qu’on a cherché moins de cas. Là, on se retrouve à voir le contrecoup de tout ça. »

Une éclosion a notamment été détectée à Salluit, village d’environ 1500 personnes situé à l’extrême nord de la province.

Le mois dernier, la municipalité a décidé de ne pas tenir son Spring Music Festival de crainte de propager la tuberculose. L’enfant chérie de la communauté, Elisapie, devait s’y produire. L’évènement devrait être repris cet automne.

Une maladie du tiers monde

La tuberculose est une maladie pulmonaire virtuellement éradiquée dans le sud du Canada : l’essentiel des cas qui y sont traités ont été infectés dans des pays en voie de développement, où elle est encore bien présente et tue plus d’un million de personnes par année.

Chez les Inuits du Canada, toutefois, la tuberculose est loin d’avoir disparu.

Au cœur du problème : la pénurie criante de logement qui persiste dans la région et qui force les habitants à s’entasser dans des maisons surpeuplées. « Ça favorise la transmission de toutes sortes de maladies infectieuses, parce que les gens sont en plus grande proximité », a dit M. Tcholakov.

L’accès aux soins est aussi beaucoup plus difficile au Nunavik, où les 14 villages sont accessibles uniquement en avion. Seules deux des communautés jouissent d’un hôpital. « Les choses prennent plus de temps », a expliqué le médecin. « Quand on parle d’une maladie infectieuse comme la tuberculose, quand on reporte des choses, ça permet à la maladie de se reproduire. »

La tuberculose s’attrape par contact avec un malade qui tousse ou éternue – des symptômes fréquents. Elle est toutefois la seule maladie à « traitement obligatoire » au Québec : un tuberculeux doit absolument se soumettre aux traitements médicaux, sous peine d’y être forcé par la justice.

Contrairement à la COVID-19, il faut être exposé de façon prolongée à un malade de la tuberculose pour la contracter.