Quatre policiers de la Sûreté du Québec devront verser plus de 150 000 $ à un couple montréalais, un ophtalmologiste et une avocate, pour avoir porté contre eux des accusations criminelles basées sur des mensonges à la suite de l'interception de leur voiture de collection sur le pont Champlain, dans la nuit du 8 au 9 juillet 2000, a tranché mercredi la Cour d'appel du Québec.

L'analyse de la preuve et l'évaluation de la crédibilité des témoins, jugée nulle dans le cas des policiers, ont convaincu la Cour d'appel d'intervenir et de renverser un jugement précédent de la Cour supérieure.

Les tourments, les inquiétudes et les angoisses vécus par Léon D. Solomon et son épouse Ginette Quintal ont été jugés suffisamment importants pour leur accorder 50 000 $ en dommages punitifs. En raison de son rôle de supérieur hiérarchique lors de l'événement, le policier Mario Lagacé devra verser 20 000 $ alors que les trois autres policiers, Laurent Koslosky, Daniel Uzycki et Roberto Capone, verseront chacun 10 000 $. Pour le reste, la somme sera divisée en parts égales entre les quatre policiers.

La Cour d'appel n'a pas retenu la thèse des policiers considérée comme étant mensongère et le fruit d'une concertation. Les juges François Pelletier, Louise Otis et Marie-France Bich ont estimé que le policier Lagacé a maquillé les faits qui ont conduit aux accusations criminelles d'entrave et de voies de fait.

«Les témoignages de M. Solomon et Mme Quintal sont concordants entre eux et leur version des faits est constante d'une audition à l'autre, écrivent les juges. Il n'en va pas de même dans le cas du témoignage des policiers. Entre eux, ils se contredisent, mais fait encore plus troublant, le même témoin offre successivement des versions incohérentes, voire contradictoires, à l'égard de certains faits pourtant simples.»

Intercepté en raison de sa conduite erratique aux environs de 1h00 du matin, M. Salomon a été arrêté et soumis à un test d'alcoolémie. Quand on lui a dit que son véhicule serait remorqué, celui-ci a insisté pour que cela se fasse à l'aide d'une remorqueuse munie d'une plateforme, afin d'éviter que sa BMW de collection ne soit abîmée. Pour couper court à ses demandes, les policiers lui ont passé les menottes et l'ont ensuite accusé d'avoir résisté à son arrestation en lui attribuant un comportement agressif. Comme les discussions allaient bon train, son épouse Ginette Quintal a demandé ce qui se passait. N'obtenant pas de réponse, elle a dit qu'elle était avocate et s'est approchée. Les policiers ont rapporté qu'elle avait couru vers eux, donné des coups de poing et de pied.

Il s'avère que Mme Quintal ne peut courir en raison d'un problème à une jambe. «Dans les rapports écrits, les quatre policiers ont pris ensemble la décision hautement regrettable de maquiller les faits de façon à ce que ceux-ci puissent supporter une accusation de résistance à l'arrestation», écrivent les juges.

Ils signalent que M. Solomon avait clairement indiqué aux policiers son intention de les poursuivre. «Une menace qu'ils n'ont vraisemblablement pas prise à la légère et contre laquelle ils ont espéré se prémunir», ajoutent-ils.

La Cour d'appel signale qu'aucune accusation n'a été déposée relativement à la conduite erratique de M. Solomon et que le dossier aurait été égaré au bureau des procureurs. Par contre, il a été accusé d'avoir résisté au caporal Lagacé, tandis que Mme Quintal a été accusée de voies de fait sur l'agent Koslosky.

Affectée par ces accusations criminelles, Mme Quintal a abandonné sa carrière d'avocate de litige. Pour sa part, M. Solomon s'est inquiété quant à ses activités professionnelles qui l'amenaient à l'étranger, dont aux Etats-Unis.

A l'issue du procès criminel de cinq jours, en juin 2002, la version policière a été écartée et le couple acquitté. M. Solomon et Mme Quintal se sont alors adressés au Comité de déontologie policière où, à l'inverse, la version policière a été accréditée et celle du couple fustigée.

Finalement un procès civil a été intenté en septembre 2006, au terme duquel la juge a conclu que les policiers avaient agi légalement. C'est ce jugement qui vient d'être renversé.