(Ottawa) Les groupes d’aide étrangère saluent l’augmentation des dépenses humanitaires et de développement du gouvernement libéral fédéral, mais veulent un plan pour pousser les pays alliés à renverser le déclin mondial de l’assistance humanitaire.

« C’était le bon moment pour le Canada d’intensifier ses efforts et de faire preuve d’un leadership mondial en s’engageant à fournir de nouveaux fonds humanitaires supplémentaires », a dit Kate Higgins, directrice de Coopération Canada, qui représente plus de 100 organismes à but non lucratif.

Les libéraux se sont engagés, dans leur budget déposé mardi, à augmenter l’aide humanitaire de 150 millions au cours de l’exercice 2024-2025 et de 200 millions l’année suivante.

Selon Affaires mondiales Canada, cela signifie que l’aide étrangère totale pour cet exercice financier « devrait dépasser 7 milliards », bien que le ministère n’ait pas fourni de chiffre précis.

« Lorsque d’autres se retirent ou parlent de se retirer du monde, nous redoublons d’engagement », a déclaré mercredi le ministre du Développement international, Ahmed Hussen.

Il y a un an, les libéraux ont fait face à des critiques persistantes de la part du secteur de l’aide humanitaire, lorsqu’ils y ont consacré 6,9 milliards, soit une baisse de 15 % par rapport à l’exercice précédent.

Le gouvernement Trudeau s’était engagé à augmenter l’aide étrangère chaque année de son mandat, mais les libéraux ont expliqué qu’ils avaient augmenté exceptionnellement les dépenses en raison de la pandémie de COVID-19 et de la guerre en Ukraine, dépassant éventuellement les 8 milliards.

« Besoins sans précédent »

La nouvelle augmentation annoncée mardi intervient à une période que Mme Higgins qualifie de besoins et de complexité sans précédent, teintée par des guerres majeures dans la bande de Gaza, en Ukraine et au Soudan, ainsi que des conflits et des crises migratoires massives en Birmanie, au Nigeria et au Venezuela.

Les pays connus pour leurs dépenses en aide humanitaire, comme le Royaume-Uni et la France, ont réduit leur budget alloué à ce domaine, invoquant les pressions exercées sur leurs économies nationales. Selon UNICEF Canada, près d’un quart des enfants dans le monde vivent dans des zones de conflit ou fuient ces régions.

Le ministre Hussen a déclaré que le Canada continuera à mettre l’accent sur le soutien aux femmes et à les aider à créer les conditions nécessaires à la paix.

« Notre gouvernement croit et connaît la valeur de l’aide internationale et les résultats qu’elle produit partout dans le monde, et ici même au pays. Le Canada façonne donc un monde plus pacifique, plus prospère et plus résilient », a-t-il déclaré.

Le budget de mardi réaffirme également l’engagement du Canada à faire pression en faveur de la réforme des institutions financières multilatérales comme la Banque mondiale. L’objectif est d’aider les pays pauvres à échapper au piège de l’endettement et au fardeau financier des catastrophes naturelles catastrophiques, en s’orientant plutôt vers la possibilité d’investir dans des infrastructures plus résilientes au changement climatique.

Mme Higgins, de Coopération Canada, était heureuse de voir cet engagement réitéré, mais elle a souligné qu’Ottawa devait être plus transparent dans la façon dont il communique ses données, d’autant plus que le budget ne précise pas le chiffre cumulatif de l’aide étrangère pour cet exercice financier.

Le Canada, hôte du G7 en 2025

Mardi, Coopération Canada et d’autres coalitions d’aide ont appelé Ottawa à profiter de sa présidence du G7 l’année prochaine pour pousser certains des pays les plus puissants de la planète à recommencer à augmenter leur aide étrangère.

Le G7 compte des pays comme les États-Unis, le Japon et l’Allemagne qui envoient des ministres pour des réunions tout au long de l’année dans le pays hôte, culminant par un sommet des dirigeants.

Cela signifie qu’Ottawa peut utiliser son influence dès maintenant pour commencer à pousser les pays à augmenter leur financement d’aide en 2025 et pour que le G7 accorde plus d’attention aux crises au-delà de l’invasion russe de l’Ukraine, a déclaré Mme Higgins. « Nous pousserons le gouvernement à réellement examiner l’ampleur et la portée de la crise humanitaire dans le monde. »

Le ministre Hussen n’a pas voulu dire si le Canada envisageait d’encourager ses ses pairs du G7 à en faire plus, mais il a plutôt fustigé les conservateurs pour leur engagement « imprudent », en février, de détourner une quantité non précisée d’aide étrangère « inutile » vers des dépenses militaires. Les conservateurs n’ont pas répondu à une demande d’entrevue.

On ne rattrape pas les coupes

La porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d’affaires étrangères, Heather McPherson, estime de son côté que l’augmentation annoncée ne compense pas les coupes des gouvernements de Stephen Harper et de Justin Trudeau au cours des dernières années.

« Nous ne sommes pas au rendez-vous », a soutenu Mme McPherson, en considérant que les situations en Haïti, au Soudan et à Gaza ressemblent à des famines.

Elle a souligné que le Canada n’atteignait toujours pas l’objectif mondial en aide humanitaire pour les pays riches, fixé à 0,7 % du produit national brut dans les années 1960 par le premier ministre libéral Lester B. Pearson. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que les dépenses du Canada l’an dernier correspondaient à la moitié de cet objectif, soit 0,38 %.

« Le monde a besoin que le Canada paie sa juste part et qu’il joue un rôle important », a clamé Mme McPherson. Elle a également soutenu que les libéraux adoptaient des politiques « à courte vue » en augmentant les dépenses militaires à un rythme beaucoup plus élevé que pour l’aide humanitaire ou la diplomatie.

Le NPD est favorable à une augmentation de l’aide envoyée à l’Ukraine, mais les diplomates et les travailleurs humanitaires canadiens pourraient davantage contribuer à prévenir les facteurs à l’origine des crises mondiales, a déclaré Heather McPherson. « Nous avons des diplomates tellement forts qui pourraient accomplir tant de choses, si seulement on leur donnait les outils. »