(Ottawa) Le contenu produit par les médias d’information n’apparaîtra plus sur Facebook et Instagram si les parlementaires adoptent le projet de loi C-18 sur le partage des revenus des géants du web avec les médias. C’est ce qu’a réitéré le président des affaires mondiales de Meta, Nick Clegg, qui a préféré publier une déclaration écrite lundi plutôt que de répondre aux questions des élus.

« Ce n’est pas surprenant, mais c’est décevant de voir Facebook faire la même chose qu’en Australie. Ça n’a pas fonctionné là-bas et ça ne fonctionnera pas ici », a répliqué Laura Scaffidi, attachée de presse du ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.

L’ex-vice-premier ministre britannique avait été invité à témoigner au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, mais a annulé sa présence à la dernière minute parce qu’il était outré du changement de titre de la réunion : « Utilisation actuelle et continue de tactiques d’intimidation et de subversion par les géants du web pour échapper à la réglementation au Canada et à travers le monde ».

Cette absence a été mal accueillie par les élus, qui lui feront parvenir une nouvelle assignation à comparaître pour lundi prochain. La première citation avait finalement été modifiée pour une simple invitation à la demande de M. Clegg.

« Ce que je vois de la réponse de Meta dans ça, c’est une arrogance épouvantable », a réagi le député bloquiste Martin Champoux.

« Il a essayé de brouiller les cartes en demandant une invitation en sachant très bien que cette invitation annulait l’assignation à comparaître », a constaté le député néo-démocrate Peter Julian, à sa sortie du comité. « Mais c’est quelqu’un qui a une longue expérience parlementaire et il sait que ça paraît mal pour Meta de ne pas respecter une assignation à comparaître du Parlement du Canada. »

Ce sont finalement les représentants de Meta au Canada, Kevin Chan et Rachel Curran, qui se sont présentés pour témoigner à sa place lundi matin.

Les représentants canadiens de Google avaient passé un mauvais quart d’heure en mars lorsqu’ils avaient tenté d’expliquer pourquoi ils avaient bloqué l’accès aux nouvelles sur le moteur de recherche à environ un million d’usagers au Canada. Ils avaient finalement fait marche arrière.

Le projet de loi C-18 forcerait ces deux géants du web à conclure des ententes pour le partage de leurs revenus avec les médias puisqu’ils utilisent leur contenu gratuitement sur leurs plateformes alors qu’ils accaparent la grande majorité des revenus en ligne. Google et Meta accusent tous deux le Canada de nuire à la gratuité de l’internet en imposant un prix sur des hyperliens.

« Nous avons pris la décision difficile que si cette législation imparfaite est adoptée, nous devrons mettre fin à la disponibilité du contenu des nouvelles sur Facebook et Instagram au Canada », indique M. Clegg dans sa déclaration écrite publiée sur le site web de l’entreprise et lue par Kevin Chan en comité parlementaire.

Il avance que le flux d’actualités de Facebook a généré 1,9 milliard de clics au cours de la dernière année, un « marketing gratuit » de 230 millions de dollars pour les médias. Le contenu d’information « n’a pas de valeur particulière » pour Meta, fait-il valoir.

Medias d’Info Canada est en désaccord avec cette affirmation. « Facebook retire toutes sortes de données à partir de ce que ses utilisateurs lisent et il l’utilise pour la publicité ciblée », a rappelé son président-directeur général, Paul Deegan, en entrevue. « S’il n’y a plus de nouvelles, nous pensons que ça va diminuer la valeur de leur plateforme parce qu’il y a tellement de désinformation et de mésinformation qui circule. »

« C’est une décision d’affaires que nous sommes forcés de prendre à cause de cette législation », a affirmé la cheffe des politiques publiques de Meta au Canada, Rachel Curran. Un argumentaire repris par la députée conservatrice Marilyn Gladu.

Les pages liées à des situations d’urgence, celles du gouvernement et les pages communautaires ne seraient pas touchées par le retrait du contenu d’information, a promis Mme Curran, contrairement à ce qui s’était produit en Australie.

En 2021, Meta, qui portait alors le nom de Facebook, avait empêché le contenu de nouvelles d’être partagé et d’être vu sur cette plateforme dans ce pays. Après quelques jours, l’entreprise en était arrivée à une entente avec le gouvernement australien.

Au Canada, Meta a déjà conclu des ententes avec 18 médias, dont Le Devoir, les six quotidiens des Coops de l’information et le Toronto Star en 2021. Le projet de loi C-18 a déjà été adopté par la Chambre des communes et est à l’étude au Sénat.

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    source : Meta