Des femmes autochtones venant d’aussi loin que la Côte-Nord et l’Abitibi-Témiscamingue ont bravé la pluie samedi pour se rassembler devant le parlement de Québec afin de dénoncer les discriminations qu’elles subissent. Une première, selon la présidente de Femmes autochtones du Québec.

Mères, filles, sœurs : les femmes autochtones sont aux premières loges pour être exposées aux services de l’État québécois, explique d’emblée Marjolaine Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec. L’organisme, fondé en 1974, était responsable de l’évènement.

À la connaissance de Marjolaine Étienne, c’est la première fois que des femmes autochtones se rassemblent ainsi pour faire valoir les enjeux qui les touchent directement en face du parlement de Québec.

« Elles utilisent l’ensemble des services de santé : pour elles-mêmes, pour accoucher, puis pour accompagner les enfants, les aînés, même les hommes, souligne Mme Étienne. Ce sont donc les femmes qui sont au-devant pour aller chercher les soins appropriés, particulièrement dans le milieu médical. »

Or, la violence et les discriminations envers les femmes autochtones continuent de faire les manchettes. Cette semaine, un Manitobain a été accusé du meurtre de quatre femmes autochtones dans la région de Winnipeg. Une nouvelle qui a bouleversé le pays, de même que la classe politique.

C’est quelque chose qui nous touche, parce qu’effectivement, entendre qu’encore aujourd’hui, il y a des atrocités comme ça, ça veut dire qu’il y a de grandes questions qu’il faut se poser.

Marjolaine Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec

Au Québec, fin novembre, un rapport accablant a aussi mis en lumière des pratiques de stérilisation forcée de femmes autochtones dans la province… jusqu’en 2019. Les cas de 22 femmes ont été documentés par une équipe de chercheuses de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. « Un constat clair [de] la présence de racisme systémique », concluent-elles.

En septembre 2020, la mort de Joyce Echaquan, filmée en direct sous les propos discriminatoires du personnel médical, avait indigné le Québec.

Reconnaître les discriminations

Une centaine d’Autochtones et de non-Autochtones se sont donc retrouvées devant le parlement de Québec en fin d’après-midi samedi, certaines venant de communautés éloignées, d’autres de grandes villes.

« Il y avait des femmes de Naskapi, qui ont pris l’avion. Des femmes anichinabées, de l’Abitibi, des femmes innues, mohawks, micmaques, abénakises… Elles sont venues pour pouvoir faire entendre leur voix en ce qui concerne les enjeux et les préoccupations qu’elles ont dans leurs communautés, ou les milieux urbains », détaille Mme Étienne.

Leurs préoccupations principales : la reconnaissance du racisme systémique au Québec, de même que des discriminations vécues par les Autochtones. Et l’adoption du Principe de Joyce. Parce qu’il faut s’attaquer à la « source » des enjeux, estime Mme Étienne.

Le Principe de Joyce est une déclaration qui s’inspire de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il vise à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.

Le gouvernement de François Legault refuse toujours d’adopter le Principe de Joyce, plus de deux ans après le décès de l’Atikamekw. Il ne reconnaît pas non plus le concept de racisme systémique, bien qu’il s’agisse de la première recommandation de la coroner Géhane Kamel, qui a enquêté sur la mort de la mère de 37 ans.

Les femmes autochtones s’allient 

Le rassemblement de samedi est « une démonstration qu’un ensemble de femmes de différentes Nations veulent faire avancer les dossiers [importants pour elles] et avoir des actions concrètes en ce sens », s’enthousiasme Mme Étienne.

Son espoir est d’instaurer un dialogue avec Québec. « Je souhaite grandement que d’ici les Fêtes, on ait un signal de la part du gouvernement », indique-t-elle.

À son sens, de nombreux rapports ont été déposés au fil des ans, que ce soit concernant les enfants morts ou disparus, les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées, etc. Chaque rapport vient avec son lot de recommandations.

« À travers les recommandations qui sont là, il y en a un bon nombre – je ne suis pas en train de dire qu’il n’y a rien qui se fait –, mais est-ce qu’on travaille sur les bonnes affaires ?, se questionne la présidente. Est-ce qu’on ne pourrait pas s’asseoir ensemble pour décider quelles sont les meilleures recommandations sur lesquelles travailler maintenant ? »