La Commission scolaire de Montréal (CSDM) promet de «mettre en place les mesures nécessaires» afin d'éviter d'autres décès par noyade dans ses installations. La CSDM réagit ainsi à la publication, plus tôt aujourd'hui, du rapport du coroner sur le décès par noyade de Blessing Claude Moukoko en février 2018 à la piscine de l'école Père-Marquette.

Dans son rapport présenté cet après-midi, le coroner Louis Normandin mentionne que le professeur d'éducation physique remplaçant, qui donnait le cours de natation le jour du décès de Blessing, n'avait pas complété toute la formation requise. Un manquement sévèrement critiqué. «Personne n'a eu de mauvaises intentions [...] Mais si on n'a pas les ressources pour donner le cours, eh bien que le cours n'ait pas lieu», a déclaré le coroner Normandin.



Un nageur peu expérimenté 

Le 15 février, Blessing Claude Moukoko, 14 ans, se rend à la piscine de l'école Père-Marquette avec 28 autres élèves de secondaire 2 pour suivre un cours de natation, inscrit dans le cadre de son cours d'éducation physique. Blessing avait «peur de l'eau» et ne «savait pas nager». «Il allait à ses cours de reculons comme on dit», dit le coroner. 

À la fin du cours, à 9 heures, Blessing entame deux longueurs de piscine en style libre en partant de la partie peu profonde du bassin. «Déjà dans la partie pas creuse, il a de la misère à nager», constate le coroner, qui a visionné les images de caméra de surveillance. Avant même d'être rendu à mi-chemin, Blessing pose pied par deux fois dans la partie peu profonde. «Puis il va dans le profond et on ne le revoit plus», témoigne le Dr Normandin. 

Ce dernier déplore que le manque d'aisance de Blessing n'ait pas été suffisamment pris au sérieux par son professeur, qui estimait même que Blessing se débrouillait plutôt bien. Pour le coroner Normandin, cet «écart important qui existe entre l'appréciation des qualités de nageur de Blessing faite par ses camarades et celle faite par le professeur est, pour le moins, préoccupant». 

Un professeur qui manque de formation

Dans son rapport, le coroner note que le professeur remplaçant n'avait pas complété les heures de formation nécessaires en natation dans le cadre de son baccalauréat. C'est pourquoi une sauveteuse l'accompagnait et avait élaboré avec lui le plan de cours. «De facto, celle-ci devient en quelque sorte instructrice et ne peut plus assurer adéquatement la surveillance des nageurs puisqu'elle est affectée à d'autres tâches que la surveillance stricte», est-il écrit dans le rapport du coroner. 

À 9h15, lorsque le cour de natation se termine, le professeur et la sauveteuse effectuent un balayage visuel à partir de la partie peu profonde de la piscine, sans rien remarquer d'anormal. 

Une note de 4/5

À la sortie du cours, les élèves donnent leur autoévaluation à leur professeur. Ce dernier ne reçoit pas celle de Blessing. Plutôt que de s'en inquiéter, celui-ci se fie aux dires de certains élèves qui disent l'avoir aperçu dans le vestiaire, relate le coroner et conclut que le jeune homme est bien sorti de la piscine alors qu'il n'en est rien. Le professeur donne même une note de 4/5 à Blessing pour ce cours. 

Ce n'est qu'à 9h30, quand les élèves du deuxième cours se présentent, que le corps de Blessing est aperçu sous l'eau. Les secours sont appelés et des manoeuvres de réanimation sont entamées. Mais dès son arrivée à l'hôpital, les dommages cérébraux «sévères et irréversibles» de Blessing sont constatés. 

Blessing est donc vraisemblablement resté seul au fond de la piscine de 9h02 à 9h40. Le coroner déplore que la sauveteuse soit devenue du jour au lendemain partiellement institutrice et que cette double fonction l'ait empêchée de remplir pleinement sa tache de surveillance. Ces tâches lui ont été confiées essentiellement pour combler les lacunes du professeur d'éducation physique, note le rapport. «Celui-ci, malgré toutes les bonnes intentions, avait-il le jugement et les compétences requises pour reconnaitre un nageur en difficulté et assurer ainsi la sécurité des élèves ?» demande le coroner. 

Pas de professeur formé, pas de cours

Dans ses conclusions, le coroner recommande au ministère de l'Éducation d'intégrer le programme «Nager pour survivre Plus» de la Société de sauvetage du Québec aux cours de natation en milieu scolaire et que la réussite de ce programme soit un prérequis à l'acquisition d'autres compétences en natation. 

Le coroner Normandin veut aussi que les cours de natation soient donnés toujours sous supervision d'un professeur dûment formé, et d'un sauveteur-surveillant qui n'a d'autre tâche que de surveiller. «Je recommande qu'à défaut de remplir ces deux conditions, le cours de natation soit suspendu jusqu'à nouvel ordre», est-il écrit. 

Dans un communiqué émis cet après-midi, la CSDM a dit «prendre acte des recommandations du coroner». «Mes pensées vont tout d'abord à la famille et à l'entourage éprouvés par cet accident tragique. La CSDM [...] mettra en place les mesures nécessaires en lien avec les responsabilités qui lui incombent. Notre devoir est de faire le maximum pour renforcer nos pratiques afin d'éviter que de tels événements se reproduisent», a commenté la présidente de la CSDM, Catherine Harel-Bourdon. 

Réaction mortelle à la morphine

Le coroner Louis Normandin a aussi présenté cet après-midi son rapport concernant le décès de Jimmy Lee Durocher. Le jeune homme de 17 ans est décédé en janvier 2018 au Centre hospitalier régional de Lanaudière après avoir reçu une injection de morphine à la suite d'une opération pour soigner une appendicite aiguë. Dans son rapport, le coroner Normandin critique le manque de suivi effectué auprès du jeune homme après qu'on lui eut administré de la morphine, un puissant narcotique aux effets secondaires potentiellement dangereux. Selon le coroner, l'infirmière n'a pas respecté le protocole de surveillance. Le coroner conclut à un décès hautement évitable. Déjà, le Centre hospitalier régional de Lanaudière a pris des mesures pour resserrer son protocole.

photo tirée du site web gofund.me

Blessing Claude Moukoko