Les lacunes de l'enseignant d'éducation physique du jeune Blessing Claude Moukoko peuvent expliquer en partie les raisons du décès de l'adolescent de 14 ans mort noyé à la piscine du Centre Père Marquette l'hiver dernier.

Dans son rapport rendu public ce mardi matin, le coroner Louis Normandin souligne à grands traits le manque de compétence de l'enseignant qui avait en quelque sorte délégué ses responsabilités d'enseignement à la sauveteuse en poste ce jour-là.

Blessing Claude Moukoko est demeuré seul au fond de la piscine vraisemblablement entre 9h02 et 9h40 le 15 février 2018, et ce, parce qu'il n'y avait plus de surveillant-sauveteur essentiellement dédié à cette fonction, note le coroner.

Le garçon savait à peine nager. Ce jour-là, il suivait son troisième cours de natation dans le cadre des activités d'éducation physique de son école. À 9h, pour le dernier exercice du cours, l'ado s'est engagé pour deux longueurs de piscine en style libre en partant de la partie peu profonde.

Avant même qu'il n'atteigne la mi-longueur, il s'est arrêté, quelques instants, à deux reprises et s'est mis debout, en appui sur le fond de la piscine. Reparti, il a continué dans la partie profonde. Il a vraisemblablement coulé au fond de l'eau sans que personne ne s'en rende compte. Il a été retrouvé 38 minutes plus tard. Il n'a eu aucune chance.

Le professeur d'éducation physique, en remplacement, s'est vu confier par la Commission scolaire de Montréal la responsabilité de donner le cours de natation bien qu'il n'avait pas complété le profil de 90 heures de natation dans le cadre de son baccalauréat en éducation physique.

« C'est la raison pour laquelle il est assisté d'une sauveteuse qui participe activement tant à l'élaboration du plan de cours et au choix des exercices qu'à la supervision directe des nageurs », explique le coroner dans son rapport.

« Celle-ci devient en quelque sorte instructrice et ne peut plus assurer adéquatement la surveillance des nageurs puisqu'elle est affectée à d'autres tâches que la surveillance stricte, poursuit le coroner Normandin dans son rapport. De fait, lorsque la sauveteuse porte secours à M. Moukoko, elle mentionne ne pas se souvenir d'avoir vu cet élève durant le cours. »

« Nul ne peut à la fois porter toute son attention à la surveillance et offrir un enseignement de qualité, conclut le coroner. Par la force des choses, cette sauveteuse est devenue du jour au lendemain instructrice sans que le relais véritable de la surveillance soit assuré. Ces tâches d'instructrice, qui restent mal définies (assure-t-elle la surveillance ou enseigne-t-elle la natation ?), lui sont essentiellement dévolues (par quelle instance ?) pour combler les lacunes du professeur d'éducation physique. »

Le professeur, malgré toutes les bonnes intentions, avait-il le jugement et les compétences requises pour reconnaître un nageur en difficulté et assurer ainsi la sécurité des élèves ?, demande aussi le coroner.

« Bien sûr des facteurs environnementaux contributifs pourraient être évoqués pour expliquer cette cascade tragique : luminosité, reflet du soleil sur une eau agitée, angle mort où le fond de l'eau de la partie profonde n'est plus visible. Mais ces facteurs extrinsèques sont potentiellement toujours opérants et justifient d'autant plus une surveillance adéquate et infaillible », rappelle le coroner.

Le Dr Normandin recommande au ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur :

- que le programme Nager pour survivre Plus de la Société de sauvetage du Québec soit formellement intégré aux cours de natation dispensés en milieu scolaire

- que la réussite de ce programme par l'élève soit un prérequis obligatoire à l'acquisition ultérieure de compétences techniques des différents types nage.

- que les exigences minimales requises pour l'enseignement de la natation en milieu scolaire soient les suivantes : dans le cas où le cours est sous la responsabilité du professeur d'éducation physique, que celui-ci ait complété le profil de formation en natation de 90 heures dans le cadre de son baccalauréat, dans le cas où le cours est donné par un instructeur, que celui-ci possède une certification de grade 2 ;

- que le cours de natation soit sous la supervision constante et simultanée d'un enseignant (qui donne le cours) et d'un sauveteur/surveillant (qui n'a d'autre tâche que de surveiller) ;

- qu'à défaut de remplir ces deux conditions, les cours de natation en milieu scolaire soient suspendus jusqu'à nouvel ordre.