Un enseignant au secondaire dans un collège privé de Montréal est accusé d’avoir commis des crimes sexuels à l’égard de six élèves. Il aurait notamment exploité sexuellement une adolescente. En réponse à la récente vague de cas similaires dans les écoles, Québec lance l’artillerie lourde : une « enquête générale » sur le phénomène.

Alexandre Gagné, un enseignant en économie au Collège Stanislas, à Outremont, a comparu mardi au palais de justice de Montréal. La liste des accusations est longue : exploitation sexuelle, agression sexuelle, leurre, actions indécentes, avoir rendu accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite, extorsion et distribution de cannabis à des mineurs.

Les faits allégués se sont produits entre le 1er novembre 2019 et le 31 décembre 2022 à l’égard de six victimes. Selon nos informations, les victimes alléguées, des filles et des garçons âgés de 16 à 18 ans au moment des faits, étaient tous des élèves ou d’ex-élèves d’Alexandre Gagné.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Collège Stanislas dans l’arrondissement d’Outremont

L’homme de 48 ans a été remis en liberté sous promesse de respecter certaines conditions, dont celle de ne pas communiquer avec les plaignants ou avec toute personne ayant moins de 16 ans. Il lui sera également interdit d’utiliser les réseaux sociaux et de se trouver à moins de 200 mètres du Collège Stanislas.

L’enseignant aurait agressé sexuellement et exploité sexuellement une adolescente, alors qu’il était en position d’autorité ou de confiance, en plus de la forcer à lui envoyer des photos d’elle. Les cinq autres victimes mineures auraient reçu du matériel sexuellement explicite de la part de l’accusé ou auraient été leurrées par celui-ci.

Avant de travailler au Collège Stanislas, Alexandre Gagné aurait également enseigné au Collège Jean-Eudes il y a une dizaine d’années.

Alexandre Gagné se présente sur Facebook comme un « historien, journaliste, chroniqueur et pédagogue ». Il alimentait d’ailleurs un blogue d’actualité nommé « L’info en direct ». Il était aussi un habitué des grands médias. En janvier dernier, il a été interviewé par Radio-Canada en tant que modérateur d’un groupe Facebook spécialisé sur l’utilisation du robot conversationnel ChatGPT en éducation.

Ce n’est pas la première fois qu’un enseignant du Collège Stanislas fait face à la justice pour des crimes de nature sexuelle. En 2019, l’enseignant en éducation physique Denis Tiffou avait été condamné à 10 mois de prison pour possession de pornographie juvénile. Il détenait chez lui 28 000 images et 2800 vidéos de pornographie juvénile.

Le Collège Stanislas n’avait pas réagi mardi en fin de journée.

Une enquête « générale »

Alors qu’Alexandre Gagné comparaissait devant un juge, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé mardi le déclenchement d’une « enquête générale » sur les multiples allégations de crimes sexuels survenues dans le réseau scolaire au courant des derniers mois.

M. Drainville a fait cette annonce mardi après-midi, en réponse à une question de l’élue solidaire Ruba Ghazal, en affirmant que l’enquête fera suite à de « multiples dénonciations et d’allégations d’inconduites de nature sexuelle ou de comportements inadéquats portés à l’attention » de son ministère ces derniers mois.

Dans son allocution, le ministre a notamment cité le cas du Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy, où l’histoire d’un enseignant ayant eu une liaison avec une adolescente, qui aurait eu un enfant de lui, avait fait beaucoup de bruit ces derniers temps. Par la suite, l’enseignant en question se serait épris d’une autre élève avec qui il aurait eu trois enfants.

L’enquête déclenchée mardi aura une « portée générale », a fait valoir M. Drainville. Ce sont des fonctionnaires de la direction générale des affaires internes de son ministère qui mèneront l’enquête.

Ces fonctionnaires devront faire part de leurs recommandations au ministre dans un rapport préliminaire au plus tard le 2 juin prochain. Un rapport final est aussi attendu d’ici le 31 juillet prochain. Québec n’exclut pas d’avoir recours à la Loi sur les commissions d’enquête pour obtenir tout document ou renseignement qui serait pertinent pour l’enquête.

Dans l’opposition, la libérale Marwah Rizqy a affirmé mardi que « cette enquête est malheureusement nécessaire ». « Vous aurez ma pleine collaboration. Nous devons tourner toutes les pierres pour comprendre ce fléau et mieux protéger les jeunes dans nos écoles. Il reste beaucoup à faire, mais chaque geste compte », a-t-elle dit au ministre.

« Les agressions sexuelles dans nos écoles sont intolérables. Une enquête était rendue nécessaire. Le #moiaussiscolaire appelle à un changement de mentalités profond dans nos écoles. La prévention passera par une loi-cadre », a de son côté soulevé Ruba Ghazal, chez Québec solidaire.

Au Parti québécois, la porte-parole Méganne Perry Mélançon a soutenu que « face à la multiplicité des cas de violences sexuelles en milieu scolaire qui sont rapportés dans les médias, nous accueillons positivement la tenue d’une enquête, qui est un pas dans la bonne direction ». « Cependant, nous croyons qu’il aurait été préférable que celle-ci soit tenue par des personnes indépendantes du réseau de l’éducation », a-t-elle dit, réitérant aussi la nécessité de mettre sur pied une loi-cadre.

Avec Marie-Eve Morasse, La Presse