Nicous D’Andre Spring, mort après une intervention des agents correctionnels à la prison de Bordeaux samedi, aurait dû être libéré dès vendredi, a appris La Presse. Le jeune homme noir était en détention illégale lors de l’intervention qui a précédé son décès.

« La personne incarcérée Nicous D’Andre Spring aurait dû être libérée le 23 décembre 2022 à la suite de sa visio-comparution », confirme le ministère de la Sécurité publique (MSP). Nicous D’Andre Spring est mort après une « intervention physique » des agents correctionnels de l’Établissement de détention de Montréal (EDM), aussi appelé prison de Bordeaux.

Lisez l’article « Un détenu meurt après une intervention, un agent suspendu »

Depuis, un agent correctionnel a été suspendu, la Sûreté du Québec (SQ) a ouvert une enquête criminelle et le MSP a déclenché une enquête administrative. Le bureau du coroner doit également enquêter sur les causes et circonstances de la mort du détenu.

Le plumitif indique que Spring, 21 ans, a comparu le 23 décembre pour une enquête sur sa mise en liberté. Il faisait face à des accusations de voies de fait, de voies de fait contre un agent de la paix, de port d’arme dans un dessein dangereux et d’omission de se conformer à une ordonnance.

Outre Nicous D’Andre Spring, « deux autres personnes incarcérées ayant comparu le 23 décembre 2022 se trouvaient en détention illégale puisqu’elles auraient dû être libérées le même jour », indique la porte-parole du MSP Marie-Josée Montminy. « Elles ont été libérées dès le lendemain, soit le 24 décembre », précise-t-elle.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Une veillée à la bougie à la mémoire de Nicous D’Andre Spring doit avoir lieu ce vendredi soir au parc Benny, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

C’est la Direction de l’audit interne, des enquêtes et de l’inspection (DAIEI) du MSP qui va mener l’enquête administrative, dit Mme Montminy, laquelle se penchera également sur ces autres détentions illégales.

« Les recommandations formulées par la DAIEI à la suite de son enquête seront analysées attentivement par le MSP et des correctifs pourront être apportés, le cas échéant », assure la porte-parole.

L’avocate de Nicous D’Andre Spring, MStéphanie Basso, n’avait pas donné suite aux multiples demandes de commentaires de La Presse au moment d’écrire ces lignes.

Pas moins de 132 personnes sont mortes dans les établissements de détention provinciaux du Québec depuis le 1er avril 2017, selon le MSP, dont seulement 43 de causes naturelles. Ces chiffres excluent la mort de Nicous D’Andre Spring, puisque le ministère attend le rapport du coroner pour la compiler.

Sur cette période, on compte 2 homicides, 59 suicides et 27 morts de causes indéterminées dans un système carcéral où étaient détenues un peu moins de 4500 personnes au début du mois.

Utilisation du gaz poivré

Le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN), Mathieu Lavoie, a déclaré mercredi que Spring avait « eu un malaise » à la suite de l’utilisation du gaz poivré par les agents de l’EDM. Un gestionnaire a ordonné l’utilisation de cette arme pour maîtriser la victime après une altercation avec d’autres détenus, selon M. Lavoie.

Le gestionnaire et les agents correctionnels impliqués n’ont toujours pas été identifiés.

Un guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) note que l’utilisation du gaz poivré peut « augmenter le risque d’arrêt respiratoire ». Des dizaines de cas de décès en détention impliquant le gaz poivré ont été rapportés aux États-Unis, mais des facteurs comme la position de la victime lors de l’arrestation, l’intoxication ou des maladies préexistantes « ont causé ou ont contribué à la plupart des cas de décès », précise l’INSPQ.

Une veillée à la bougie à la mémoire de Nicous D’Andre Spring doit avoir lieu ce vendredi soir au parc Benny, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. Une campagne de sociofinancement a été lancée en ligne afin d’aider les membres de sa famille à payer ses funérailles et d’« atténuer le stress financier auquel [ils sont] actuellement confrontés ».

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse