Un cyberprédateur qui a leurré en ligne une ado de 14 ans interprétée par une journaliste d’enquête devrait être condamné à 20 mois de prison, a plaidé vendredi le ministère public. Rémi Richard clame toujours son innocence et présente un risque de récidive, selon des experts.

« Dans le rapport sexologique, [Rémi Richard] manque de transparence et ne reconnaît pas ses torts. Son risque de récidive est considéré moyen. Ce n’est pas un cas de risque faible à modéré », a fait valoir vendredi le procureur de la Couronne, Me Charles Doucet, lors des observations sur la peine de Rémi Richard au palais de justice de Montréal.

L’homme de 57 ans a été reconnu coupable l’an dernier de leurre informatique et d’avoir rendu accessible du matériel sexuellement explicite à un enfant. Dans cette affaire inédite, le cœur de la preuve reposait sur du matériel journalistique puisque la « victime » était une journaliste de l’émission d’enquête J.E.

La journaliste avait créé le profil d’une fille de 14 ans sur Periscope, une application qui permettait de diffuser en direct des vidéos. Dans le reportage diffusé en novembre 2017 à TVA, on voyait la silhouette brouillée de Rémi Richard à l’antenne. Il a toutefois été reconnu par une personne qui a alerté la police.

Pendant près d’une heure, Rémi Richard s’est masturbé en parlant avec celle qu’il croyait être âgée de 14 ans. Il lui disait qu’il serait « tripant » de rencontrer une « jeune fille qui aime se montrer ».

« N’importe quel âge. Pourvu que ça aille pas 10-11-12-13 ans. Une fille qui s’exhibe et voyeuse. Pas un enfant », a-t-il dit à la journaliste, qui lui a répondu avoir 14 ans. « T’as 14… si tu veux te montrer, t’as ben beau », a-t-il répliqué.

Rémi Richard a alors proposé à sa proie de se voir « en vrai » et a fixé un rendez-vous avec elle dans un stationnement du parc Angrignon. Les caméras de télévision l’attendaient sur place.

Le procureur de la Couronne a plaidé auprès de la juge Josée Bélanger que le leurre n’était pas un « crime sans victime », selon la Cour suprême. D’ailleurs, le plus haut tribunal du pays a maintenu en 2020 dans l’arrêt Friesen que l’absence de victime réelle ne diminuait pas la responsabilité du délinquant, a souligné Me Doucet. Cet arrêt est venu durcir les peines pour les agresseurs d’enfants.

Ainsi, dans l’esprit de la Cour suprême, le fait que Rémi Richard a été coincé à la suite d’une enquête journalistique, et non d’une enquête policière, ne change rien au dossier, a fait valoir Me Doucet, qui réclame 20 mois de prison, suivis d’une probation de deux ans.

L’avocat de la défense, Me Tom Pentefountas, demande un an de détention, évoquant l’absence d’antécédents judiciaires de son client, son âge et l’absence de préméditation. Il reconnaît cependant que les rapports d’expertise ne sont pas « les meilleurs » de l’histoire du palais, sans être les « pires ».

La juge tranchera en janvier prochain.