Un homme coupable d’avoir agressé sexuellement plusieurs fois une femme trans qui lui remettait la moitié de ses gains de la prostitution s’en est tiré avec une peine extrêmement clémente de 90 jours de prison en raison de sa réhabilitation « très convaincante ».

Imposer une longue peine d’emprisonnement à Jacob Laporte serait « totalement contre-producti[f] » pour la société, a conclu le juge Érick Vanchestein, le 28 septembre dernier, au palais de justice de Montréal. En aucun temps le fait que la victime soit une femme trans n’a été considéré dans l’imposition de la peine.

Cette affaire n’est pas un « cas classique » en matière de marchandisation des services sexuels, soutient le juge, puisque la victime se prostituait « volontairement » et était « libre » de ses choix.

La victime a fait la rencontre de Jacob Laporte en mai 2018 sur un site de rencontres. Pendant leur première relation sexuelle, l’homme de 32 ans soutient avoir vécu un « malaise » à la vue du pénis de la victime. Il a ensuite mis les choses au clair avec elle : « Pour être sa blonde, il faut être escorte. » Une condition « sine qua non ». Au procès, il a prétendu que cette « entente » permettrait à la victime de « satisfaire ses besoins sexuels », comme il ne pouvait le faire.

La victime a fini par abandonner son travail pour se consacrer à la prostitution pendant des mois. Elle remettait alors la moitié de ses revenus à l’accusé. Le résidant de Granby a ainsi été reconnu coupable en décembre dernier de plusieurs chefs d’accusation liés à la marchandisation des services sexuels.

Il a toutefois été acquitté des chefs plus graves de proxénétisme et de traite de personnes, malgré un témoignage « invraisemblable » et peu crédible.

La victime, au contraire, a offert un « témoignage spontané, transparent et candide », selon le juge Vanchestein.

Mais le magistrat a conclu que la victime s’était « volontairement investie » dans la prostitution pour faire un « gain rapide » dans le but de payer des interventions chirurgicales nécessaires à sa « transformation corporelle ». Bref, l’accusé et elle ont conclu une « entente », même si l’accusé en tirait un profit, selon le juge.

La victime soutient avoir clairement dit non

Jacob Laporte a également forcé à au moins deux reprises la victime à lui faire une fellation. À ces occasions, la victime soutient avoir clairement dit non à une relation sexuelle. Ça n’a pas empêché l’accusé de la tirer « fortement par les cheveux » jusque dans la chambre pour l’agresser sexuellement. Dans un autre épisode, l’accusé a poussé la victime avec son coude hors de l’auto, commettant une voie de fait. Jaloux, il a aussi brisé le téléphone de la victime.

Le procureur de la Couronne, MLuc Pagé, réclamait trois ans et demi de prison, une peine loin d’être hors norme pour de tels crimes. Or, de « manière exceptionnelle », le juge Vanchestein s’est considérablement écarté des peines habituelles.

Le juge a imposé à Jacob Laporte une peine de prison à domicile de 15 mois pour les chefs liés à la prostitution et, pour les agressions sexuelles, une peine de 90 jours de prison à purger la fin de semaine pendant la période de probation de trois ans.

Le juge a tenu compte de la thérapie de six mois de l’accusé et de la détention provisoire de sept mois dans son calcul.

De « sérieux efforts »

Le juge Vanchestein justifie une telle peine par les « sérieux efforts » de Jacob Laporte pour s’intégrer à la société depuis trois ans. Le trentenaire a en effet cessé de consommer de la drogue, a obtenu un diplôme après avoir abandonné ses études à 15 ans, s’est trouvé un bon emploi dans le domaine de l’électromécanique et a coupé les ponts avec ses mauvaises fréquentations.

« Le Tribunal est convaincu que l’accusé a fait la démonstration particulièrement convaincante de sa réhabilitation depuis l’arrestation », conclut le juge Vanchestein.

Ainsi, selon le juge, une longue peine de prison serait « contre-productive » pour l’accusé et pour la société. Deux rapports d’évaluation soulignent toutefois que le risque de récidive « ne peut être exclu ».

Pour lui permettre de réussir sa réinsertion sociale, Jacob Laporte doit être en mesure de rester sobre, de conserver son travail et de s’occuper de sa famille, conclut le juge. Il estime d’ailleurs que la peine est également « dissuasive et dénonciatrice ».

MJustine Levasseur défendait l’accusé.