Les meurtriers du motard Sébastien Beauchamp l’ont traqué durant au moins quatre jours, à l’aide de balises GPS fixées sous le véhicule de leur victime, avant de l’abattre à la cinquième journée, le 20 décembre 2018, à Montréal.

C’est du moins ce qu’un expert civil du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a semblé décrire il y a 10 jours, dans un témoignage extrêmement précis livré au procès de Giovanni Presta fils, accusé du meurtre prémédité du motard.

Des enquêtes passées ont démontré que les tueurs à gages du crime organisé fixent une balise GPS sous le véhicule de leur cible pour la suivre à la trace.

Selon la preuve déposée au procès jusqu’à maintenant, deux balises GPS ont été fixées sous le Jeep Cherokee noir loué par Sébastien Beauchamp ; la première, le 28 novembre et la seconde, le 17 décembre. L’une d’elles a été retrouvée par les policiers, mais pas l’autre.

PHOTO FOURNIE

La victime, Sébastien Beauchamp, ancien membre des Rockers de Montréal

Différentes cartes SIM trouvées chez Presta et chez l’auteur du meurtre, Frédérick Silva, ont été, à un moment ou à un autre, insérées dans ces balises et dans des téléphones qui ont aussi servi à traquer le motard.

Grâce aux registres des téléphones cellulaires, aux cartes SIM, aux numéros uniques liés à ces équipements (IMEI) et aux registres des tours de communication fournis par les sociétés de téléphone, l’expert civil Mathieu Charest, conseiller stratégique au SPVM, a produit un document de type PowerPoint de 400 pages, contenant cartes et symboles.

Le document refait littéralement, de façon simultanée, le trajet du véhicule de Beauchamp, les déplacements d’une Malibu blanche — qui est munie d’un GPS et qui sert vraisemblablement de véhicule de traque — et le trajet d’une personne qui se déplace à pied ou en métro, qui possède un téléphone administrateur et qui sollicite les balises fixées sous le VUS du motard.

Le document affiche également tous les messages entrants et sortants que s’envoient les balises et les téléphones administrateurs qui les interrogent.

À quelques centaines de mètres

Ainsi, on constate que la Malibu blanche a rôdé autour du véhicule loué par Beauchamp les 6, 14, 17 et 18 décembre, avant de se trouver, vers 14 h 30 le 20 décembre, tout près de l’endroit et au moment où Sébastien Beauchamp a été abattu dans le stationnement d’une station-service, à l’angle des boulevards Langelier et Robert, dans l’arrondissement de Saint-Léonard.

Durant ces journées, simultanément aux déplacements de la Chevrolet Malibu blanche, il y a des échanges d’information entre un téléphone administrateur, une première balise et une deuxième fixées sous le VUS du motard.

Le 6 décembre, à 16 h 50, le véhicule de Sébastien Beauchamp et la Chevrolet Malibu sont très près l’un de l’autre dans l’arrondissement de Montréal-Nord.

Le 14 décembre, à 15 h 21, les deux véhicules sont à moins d’un kilomètre dans le secteur des rues Jarry et de Chamilly, dans l’arrondissement de Saint-Léonard. Cette situation ressemble à celle qui surviendra lors du meurtre, six jours plus tard.

IMAGE DÉPOSÉE EN COUR

Entre 15 h et 15 h 21 le 14 décembre 2018, la Malibu blanche (vert) et l’individu qui tenait le téléphone administrateur (orange) qui interrogeait la balise GPS (bleu) étaient très près du véhicule de Sébastien Beauchamp (bleu).

Le 17 décembre, vers 22 h 25, une tour de communication indique que le téléphone administrateur qui contrôle la première balise fixée sous le véhicule de Beauchamp est au même endroit que le véhicule du motard à l’angle des rues Sherbrooke et Berri, dans le quartier Centre-Sud de Montréal.

Dans les secondes qui suivent, le téléphone administrateur interroge plusieurs fois une deuxième balise GPS, laissant croire que celle-ci vient d’être collée sous le véhicule de la victime.

IMAGE DÉPOSÉE EN COUR

À partir de 22 h 25 le soir du 17 décembre 2018, le détenteur du téléphone administrateur a interrogé à plusieurs reprises une nouvelle balise GPS (grise) qui venait vraisemblablement d’être fixée sous le véhicule de Sébastien Beauchamp.

Les analyses démontrent également que le 20 décembre, à partir de 14 h 53, peu après le meurtre de Beauchamp, l’un des individus impliqués appelle à trois reprises une société de taxi. Lors du premier appel, il donne comme destination l’adresse du 71, rue Duke à Montréal, avant de se raviser.

Chaque fois, le taxi se présentera à l’endroit où il devait cueillir le client sans que ce dernier soit sur place.

Le même jour, toujours après le meurtre du motard, la Chevrolet Malibu s’est arrêtée dans deux lave-autos de Terrebonne avant de s’abriter dans un entrepôt Carex.

En changeant régulièrement les cartes SIM et en les introduisant, en alternance, dans différentes balises GPS et divers téléphones cellulaires, les meurtriers de Sébastien Beauchamp ont visiblement voulu mêler les cartes avec la technologie. Mais ils ont finalement été rattrapés par elle.

Le procès reprend lundi avec le contre-interrogatoire du témoin civil Mathieu Charest.

Par la suite, MAntoine Piché, de la poursuite, et MDominique Shoofey, de la défense, devraient entamer leurs plaidoiries.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 287-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.