Une écoute électronique massive et menée sur plusieurs fronts, des scénarios d’infiltration nombreux et imaginatifs, des techniques d’enquête inusitées utilisées même à l’étranger. Face à un manque de collaboration de certains témoins clés, les enquêteurs des Crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), aidés de leurs collègues de plusieurs autres sections, n’ont pas lésiné sur les moyens et ont rivalisé d’imagination pour élucider le meurtre de Meriem Boundaoui, 15 ans, tuée par balle en février 2021.

« On est sortis des sentiers battus. La créativité, la diversité des équipes d’enquête et les moyens déployés ont été bien loin de ce qu’on était habitués à faire, et nous en sommes très fiers », a déclaré Paul Verreault, commandant des Crimes majeurs du SPVM, en entrevue à La Presse.

Mercredi matin, 16 mois après le meurtre de l’adolescente, cinq individus ont été arrêtés, dont, selon nos sources, le présumé tireur et passager de la voiture à partir de laquelle les coups de feu qui ont tué Meriem Boundaoui ont été tirés.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Meriem Boundaoui, en 2020

À moins d’un revirement imprévu, au moins l’un d’eux devrait comparaître pour être accusé de meurtre au premier degré au palais de justice de Montréal ce jeudi. Des suspects ont été arrêtés pour différents chefs, dont menaces, voies de fait avec lésions ou trafic de stupéfiants.

Lundi, c’est le présumé conducteur de la voiture, Salim Touaibi, 26 ans, qui a été arrêté et accusé de meurtre prémédité.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Meriem Boundaoui a été tuée par balle dans l’arrondissement de Saint-Léonard, à Montréal, en février 2021.

Ces arrestations par étapes ont constitué l’une des stratégies d’enquête. Mais il y en a eu beaucoup d’autres qui ne peuvent être révélées pour le moment.

La Presse a appris toutefois qu’un grand nombre d’individus avaient été mis sur écoute durant l’enquête baptisée Merco. En fait, ils étaient si nombreux que le SPVM a dû demander de l’aide à d’autres corps de police pour accroître son efficacité.

« Des moyens d’enquête beaucoup plus complexes »

« Si des témoins clés avaient collaboré, l’enquête aurait été finie depuis longtemps », nous a confié une source qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias.

« En raison d’un manque de collaboration, l’enquête a été plus longue, et on a dû déployer des moyens d’enquête beaucoup plus complexes et plus lourds, en termes d’utilisation des ressources au service », confirme le commandant Verreault, sans vouloir épiloguer sur ces moyens d’enquête.

L’officier explique qu’une enquête est comme un casse-tête dans lequel les pièces sont placées peu à peu. Lorsque les enquêteurs se heurtent à un mur, par exemple le manque de collaboration de témoins clés, ils doivent prendre d’autres moyens pour ajouter des morceaux au casse-tête.

Même à l’interne, on aimerait souvent que les choses aillent plus vite, mais les enquêtes sont de plus en plus complexes et nécessitent du temps.

Paul Verreault, commandant des Crimes majeurs du SPVM

Le commandant Verreault espère que les arrestations de cette semaine feront réfléchir les gens qui n’osent pas parler à la police, par crainte de représailles ou pour ne pas être considérés comme des délateurs dans certains milieux.

« Il existe différents outils pour une personne qui désire garder l’anonymat. Il faut que les gens nous parlent pour nous orienter ou faire la lumière sur des faits qu’on ignorait. La police a la responsabilité de l’enquête, mais elle ne peut y arriver seule. Dans tous les dossiers dans lesquels on a eu la collaboration de témoins, on a eu des gains importants », explique M. Verreault.

La famille soulagée

En plus des cinq arrestations, sept perquisitions ont été effectuées mercredi par les enquêteurs du SPVM.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Des dizaines de patrouilleurs ont ratissé mardi un secteur situé près du boulevard Gouin Est, sous le pont Charles-de-Gaulle, avec des détecteurs de métal et avec l’aide d’un maître-chien.

L’arme à feu avec laquelle Meriem Boundaoui a été tuée n’a toutefois pas encore été retrouvée, malgré des fouilles réalisées mardi dans un secteur boisé de l’est de l’île de Montréal.

« C’est un soulagement, c’est une lumière pour nous et pour l’âme de ma sœur. J’attendais ce moment avec impatience », a réagi Safia Boundaoui, sœur de Meriem.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Safia Boundaoui, au palais de justice de Montréal, lundi, alors que comparaissait Salim Touaibi, accusé du meurtre prémédité de Meriem Boundaoui

Aujourd’hui, je pense aux autres victimes. J’espère qu’ils vont arrêter tous les autres, toute la gang, tout le réseau. C’est notre souhait le plus sincère.

Safia Boundaoui, sœur de Meriem

De leur côté, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et la directrice par intérim du SPVM, Sophie Roy, ont tenu une conférence de presse commune pour réagir aux arrestations.

« De voir aujourd’hui une deuxième personne arrêtée en lien avec ce crime horrible, ça fait du bien, surtout pour la famille qui est atterrée. […] Mais ça fait aussi du bien pour les Montréalais, qui voient à quel point tout est déployé sur le terrain », a déclaré Mme Plante.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La directrice par intérim du SPVM, Sophie Roy, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et le commandant des Crimes majeurs du SPVM, Paul Verreault (à gauche), ont participé à la conférence de presse de mercredi.

« Nous pouvons confirmer que les responsables qui étaient directement impliqués dans ce meurtre ont été appréhendés. Nous espérons que ces arrestations vont amener un peu de réconfort aux proches et à la famille de Meriem Boundaoui, qui ont été durement éprouvés », a indiqué Sophie Roy.

« On voulait le résoudre, ce dossier-là, et nous sommes très heureux des résultats. Ça ne ramènera jamais Meriem, mais si cela peut aider la famille dans son processus de deuil, tant mieux », conclut le commandant Verreault.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.