Des perquisitions de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans le cadre d’une enquête sur un groupe terroriste néonazi ont semé l’émoi jeudi dans la petite localité de Saint-Ferdinand, dans le Centre-du-Québec.

Selon nos informations, les enquêteurs s’intéressaient notamment à la diffusion d’une vidéo de propagande haineuse en ligne.

Stéphane Daigle tondait sa pelouse en matinée lorsqu’il a vu défiler devant lui un imposant déploiement policier. « J’étais vraiment surpris. Sur le coup, je pensais que c’était un drame familial », dit le résidant de Saint-Ferdinand, qui habite à quelques mètres des lieux de la perquisition.

Quand la GRC l’a avisé qu’il s’agissait d’une opération de sécurité nationale, M. Daigle a été sous le choc. « Je me suis dit : “Ça ne se peut pas, c’est impossible.” On est au milieu de nulle part. C’est un petit village tranquille, il ne se passe rien ici », laisse-t-il tomber.

Photo Patrick Sanfaçon, LA PRESSE

La police fédérale a mené jeudi une perquisition dans une résidence du secteur de Vianney à Saint-Ferdinand, dans le cadre d’une enquête sur le groupe terroriste néonazi Atomwaffen.

En matinée jeudi, la police fédérale a mené une perquisition dans une résidence du secteur de Vianney à Saint-Ferdinand, dans le cadre d’une enquête sur le groupe terroriste néonazi Atomwaffen. Une seconde perquisition a eu lieu à Plessisville.

Les interventions ont mobilisé 60 policiers de la GRC, dont des enquêteurs de la sécurité nationale, un groupe tactique d’intervention, un maître-chien et plusieurs unités de soutien. La Sûreté du Québec a également porté assistance aux enquêteurs sur le terrain.

Photo Patrick Sanfaçon, LA PRESSE

Yves Charlebois, maire de Saint-Ferdinand

En bordure de la route, le maire de Saint-Ferdinand, Yves Charlebois, observait les policiers au travail. « Un citoyen m’a appelé pour me dire que la GRC était à l’ancienne école à Vianney. Quand je suis arrivé et que j’ai vu tous les policiers, je me suis dit que c’était sûrement pour un laboratoire de stupéfiants », dit-il.

L’endroit ayant fait l’objet de la perquisition est une ancienne école qui a servi de camp de vacances avant d’être vendue à des particuliers il y a une quinzaine d’années.

La Ville n’avait pas de problèmes avec les occupants des lieux, selon le maire de Saint-Ferdinand. « Ils ont des chèvres, des poules. On m’a dit qu’il y avait souvent du va-et-vient, mais rien de plus », explique Yves Charlebois.

Stéphane Daigle acquiesce. « C’est une madame bien sympathique, on n’a jamais eu de problèmes avec elle », dit-il.

Photo Patrick Sanfaçon, LA PRESSE

Une perquisition a également eu lieu dans un immeuble de Plessisville.

À une vingtaine de kilomètres de Saint-Ferdinand, une seconde perquisition a eu lieu dans un appartement d’un immeuble de la rue de la Coopérative, à Plessisville. L’appartement visé à cet endroit était habité par un jeune homme qui n’est accusé de rien pour le moment. « Ç’a été une surprise pour nous d’apprendre ça, dit le maire de la ville, Pierre Fortier. Il y a des résidants qui s’inquiètent. On les a rassurés. C’est une intervention avec de l’équipement qu’on n’a pas l’habitude de voir. »

Aucune accusation pour le moment

C’est une enquête amorcée en 2020 par l’Équipe intégrée de la sécurité nationale de la GRC qui a mené aux perquisitions. Aucune arrestation n’a toutefois eu lieu jeudi, a indiqué le corps de police en fin de journée.

« Il n’y a pas d’accusations criminelles qui seront déposées aujourd’hui, mais selon la preuve qui va être obtenue dans les deux sites de perquisition, ça se peut que dans le futur il y ait d’autres actions policières », a indiqué Tasha Adams, porte-parole de la police fédérale. Puisqu’une enquête est en cours, les autorités n’ont divulgué aucune information sur les personnes présumément impliquées.

Photo Patrick Sanfaçon, LA PRESSE

L’opération de jeudi a mobilisé 60 policiers de la Gendarmerie royale du Canada.

La GRC a multiplié les opérations ciblant les sympathisants présumés d’Atomwaffen au Canada ces derniers temps. En mars, des journalistes de Vice News ont révélé que la résidence des parents de Patrick Gordon MacDonald, un graphiste de la région d’Ottawa âgé dans la vingtaine, avait été perquisitionnée par le corps policier dans le cadre d’une enquête en matière de sécurité nationale. Des reportages de Vice News avaient auparavant identifié l’artiste comme le créateur de nombreuses œuvres de propagande pour le groupe néonazi.

Le mois dernier, un jeune homme de 19 ans de Windsor, en Ontario, a été accusé d’avoir contribué aux activités d’un groupe terroriste, après avoir offert ses services en ligne à Atomwaffen.

Fondée en 2013, la Division Atomwaffen est un groupe international néonazi qui a été lié à des actes de violence dans plusieurs pays, notamment lors d’un rassemblement d’extrême droite très médiatisé tenu à Charlottesville, en Virginie, en 2017.

« Le groupe appelle à la violence contre les groupes radicaux, ethniques et religieux, ainsi que les informateurs, les policiers et les bureaucrates, de façon à provoquer l’effondrement de la société », peut-on lire sur le site du ministère de la Sécurité publique.

L’organisation a été ajoutée à la liste des entités terroristes interdites au Canada en 2021. En juillet 2019, un des chefs de l’organisation, un citoyen américain, a été expulsé du Canada en raison de son appartenance au groupe.

Avec la collaboration de Gabriel Béland, La Presse