Océane Boyer était sur le point de dénoncer sa relation « inappropriée » avec celui qu’elle appelait « mononcle ». Pour l’en empêcher, François Sénécal a drogué l’adolescente de 13 ans, puis l’a tuée dans un coin reculé à coups de haut-parleur. Il a fini par l’abandonner à moitié nue dans un banc de neige, encore vivante.

Pour ce meurtre « ignoble » et « lâche » qui avait choqué le Québec en février 2020, la juge France Charbonneau a condamné François Sénécal à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 19 ans. L’homme de 53 ans a plaidé coupable à une accusation de meurtre au second degré vendredi après-midi au palais de justice de Saint-Jérôme au cours d’une audience marquée par d’émouvants témoignages des proches de la victime.

« Tous lui faisaient confiance. Or, plutôt que de faire face aux conséquences des gestes de nature sexuelle qu’il avait commis, François Sénécal a préféré tuer la jeune victime pour la faire taire, et ensuite effacer toutes traces qui pourraient le lier à lui en lui enlevant les pantalons couverts de poils de son chien », a affirmé la juge Charbonneau, en entérinant la suggestion commune des parties.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Océane Boyer

Ami de longue date des parents d’Océane, François Sénécal était considéré comme un « oncle » par la jeune fille. Il était d’ailleurs extrêmement présent dans sa vie, surtout depuis qu’elle avait une relation difficile avec sa mère. Cadeaux, activités, échanges de textos : François Sénécal et Océane avaient tissé une relation privilégiée. Trop privilégiée.

« Elle était pro-François. Il l’achetait. Il lui donnait souvent des cadeaux, souvent de l’argent pour rien. Ça fait que c’est un enfant : ça peut être influençable. […] Il était très proche. Il était prêt à la porter partout où ce qu’il allait », a affirmé Caroline Sarrazin, la mère d’Océane, à l’enquête préliminaire en septembre 2021.

L’adolescente pouvait ainsi passer des journées entières avec son « oncle » François, que ce soit pour aller à la pêche, manger au Tim Hortons ou vendre de l’équipement dans les marchés aux puces. Une relation étroite qui ne paraissait pas anormale aux yeux de l’entourage des deux familles. « Il donnait l’impression de la protéger », a résumé un ami de l’accusé.

La mère d’Océane a toutefois tenté d’éloigner sa fille de François Sénécal après avoir été témoin d’un incident de nature sexuelle à l’été 2019. « Ils étaient tous les deux dans la piscine, puis quand je suis arrivée, Océane a dit : “Maman s’en vient. Maman s’en vient.” Et il est parti, il s’est éloigné d’elle », a-t-elle raconté.

Mais faute de preuves, elle n’a jamais abordé le sujet avec eux. Caroline Sarrazin a toutefois ordonné à sa fille de cesser de voir François Sénécal sans leur présence, en vain. « Il passait toujours outre nous. Il parlait avec Océane. C’est là qu’on a dit que c’était terminé. Les cadeaux, l’argent et tout », a témoigné Mme Sarrazin, l’automne dernier.

La grande sœur d’Océane, Cassandra Sarrazin, se souvient que François Sénécal commentait souvent leur habillement, par exemple en se demandant pourquoi l’adolescente ne portait pas « de chandail à bedaine ». Un jour, il a même appelé Cassandra pour se plaindre du nouveau « petit chum » d’Océane et de ses leggings qui ne moulaient pas ses fesses.

Une apparente jalousie manifestée publiquement la veille du meurtre. Pendant une soirée-bénéfice dans un restaurant, François Sénécal devient frustré lorsqu’Océane refuse de s’asseoir à son côté pour rester avec son chum. C’est ce soir-là que le meurtrier apprend que l’adolescente a rendez-vous avec un psychologue. Selon sa mère, Océane semblait particulièrement troublée depuis plusieurs semaines.

Le lendemain, le matin du 26 février 2020, François Sénécal se rend à l’école d’Océane pour tenter de la dissuader d’évoquer les détails de leur relation avec le psychologue. Mais l’adolescente lui confirme qu’elle devra en parler. « Pris de panique », Sénécal met plusieurs somnifères dans la tasse d’Océane, qui ne s’endort pas, mais dont l’état se dégrade rapidement, selon l’exposé des faits.

Sur le bord d’une route très peu passante à Brownsburg-Chatham, près de Lachute, François Sénécal frappe « sans réfléchir » à plusieurs reprises l’adolescente avec « le premier objet qui lui tombe sous la main, à savoir une pièce de haut-parleur ». Il jette ensuite Océane dans la neige et la laisse pour morte, sans pantalon.

PHOTO DÉPOSÉE EN PREUVE

C’est sur le bord du chemin Horrem à Brownsburg-Chatham que François Sénécal a abandonné dans la neige Océane Boyer.

À l’arrivée des secours, qu’un passant avait alertés, Océane s’accroche à la vie, malgré une grave blessure à la tête. En hypothermie, elle respire à peine. Mais son cœur s’arrête dans l’ambulance. « Je suis certain qu’elle a travaillé fort pour rester en vie. Je suis sûr de ça », a insisté l’ambulancier Mario Beaudin à l’enquête préliminaire.

Même s’il vient de tuer Océane, François Sénécal poursuit sa journée comme si de rien n’était. Il passe ainsi tout l’après-midi avec un ami à travailler dans le garage. Quand la mère d’Océane lui signale la disparition de l’enfant, il propose même de participer aux recherches. Il est « tout à fait normal », selon Mme Sarrazin. Mais l’étau se resserre sur le meurtrier, qui sera rapidement arrêté.

François Sénécal a « toujours » eu l’intention de plaider coupable, a indiqué son avocat, MMartin Latour. La peine suggérée conjointement à la juge est d’ailleurs « très sévère », selon la Couronne. « Les enfants, dans notre société, il faut les protéger, il faut les chérir. Océane, elle a été abusée. Quiconque va transgresser cette règle va devoir subir les foudres des tribunaux », a plaidé le procureur de la Couronne, MSteve Baribeau.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La famille d’Océane Boyer lors de ses funérailles en 2020

Ils ont dit :

Nous avons tellement de haine, de colère, de frustration, mais surtout nous avons beaucoup de peine, et un vide immense dans nos vies ! Tu nous as pris Océane ! Ma sœur ! Notre boule d’énergie, remplie de joie et d’amour. Tu lui as pris la vie. Notre rayon de soleil. Elle nous a été enlevée, brutalement. Toi, tu l’as privée d’une merveilleuse vie.

Cassandra Sarrazin, sœur d’Océane

Nous avons cru pendant 20 ans que tu étais notre ami. […] Tu as scrappé nos vies, tu nous as enlevé une partie de nous-mêmes. Aujourd’hui, justice a été rendue.

Caroline Sarrazin, mère d’Océane

Être capable de reculer, je le ferais. [Pleurs.] Je vais m’en vouloir le restant de mes jours… C’est vrai, j’ai volé sa vie. Ça n’aurait pas dû arriver. Désolé… C’est pas pardonnable, ce que j’ai fait. Je suis vraiment désolé.

François Sénécal

Apprendre à vivre sans le son de sa voix nous fait un trouble immense au cœur. Elle nous manque terriblement. Pourquoi ? Pourquoi ? Une question, qui pour nous restera à jamais sans réponse. Toi qui pourtant disais aimer.

Véronique Sarrazin, tante de la victime