Poignardé dans le dos en pleine rue à l’été 2019, le jeune Simon-Olivier Bendwell a été victime d’un crime particulièrement gratuit. Pour dénoncer ce meurtre « perfide », la Couronne réclame d’imposer au tueur une période de 14 ans avant d’être admissible à sa libération conditionnelle.

« Si l’expression victime innocente avait été inventée pour quelqu’un, elle l’aurait été pour Simon-Olivier », a lancé la procureure de la Couronne MKaterine Brabant jeudi matin lors des observations sur la peine de Maxime Chicoine-Joubert au palais de justice de Montréal.

L’homme de 26 ans a été reconnu coupable par un jury de meurtre au second degré l’automne dernier, et donc condamné automatiquement à la prison à vie. Il reste ainsi à déterminer sa période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle, laquelle n’est d’ailleurs pas automatique. Notons qu’il a fait appel du verdict.

Simon-Olivier Bendwell, étudiant modèle de 18 ans décrit comme un « humaniste » et un « pacifique » par sa mère, a été victime de la folie meurtrière de Maxime Chicoine-Joubert, le soir du 28 juillet 2019, dans le Quartier des spectacles. « Un crime d’une pure absurdité », a résumé le juge Marc-André Blanchard

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À droite, l’accusé Maxime Chicoine-Joubert prend Alexander Fitchev par le collet. Il tient un objet « brillant de six pouces » dans sa main droite. L’homme au chandail blanc, à gauche, est Simon-Olivier Bendwell. Il a été poignardé quelques secondes plus tard.

Extrêmement agressif et intoxiqué, le tueur a attaqué sans raison la victime et son ami, alors qu’ils cherchaient simplement leur chemin sur leur téléphone au coin des boulevards De Maisonneuve et Saint-Laurent. Après avoir posé son couteau sur le cou de l’ami de la victime, Maxime Chicoine-Joubert a poignardé Simon-Olivier Bendwell dans le dos.

Aux yeux de la Couronne, ce meurtre est tellement gratuit que le Tribunal doit s’écarter de la période minimale de 10 ans d’admissibilité à la libération conditionnelle.

« Vous devez envoyer un message à la population que ces crimes-là ne sont pas tolérés. Ce n’est pas vrai qu’en plein centre-ville de Montréal, on va se demander en traversant la rue si on ne va pas se faire poignarder dans le dos ! », a plaidé MBrabant, qui fait équipe avec MLouis Bouthillier.

L’émotion était palpable dans la salle d’audience, lorsque la procureure a relu certains passages poignants des lettres des parents de Simon-Olivier Bendwell pour souligner les conséquences « dévastatrices » sur la famille du défunt. Visiblement ému, le juge Blanchard s’est alors adressé aux proches de Simon-Olivier.

« Extrêmement troublant »

« Le coin Saint-Laurent-De Maisonneuve, j’y passe tous les jours. Et depuis cette affaire, je ne peux m’empêcher chaque fois d’avoir une pensée pour Simon-Olivier. Il y a des choses qui marquent… J’ai des enfants. C’est quelque chose d’extrêmement troublant. Je veux que les gens sachent que même si on donne l’impression d’être froid, mécanique dans l’application du droit, on ressent les choses, et c’est difficile de masquer », a confié le juge de la Cour supérieure.

Une intervention qui a « beaucoup touché » la mère de Simon-Olivier. « J’ai trouvé ça beau qu’il ait une pensée pour mon fils. Ce qu’on ne veut pas comme parent, c’est que notre enfant soit oublié. Qu’il ne soit pas juste une victime gratuite. Qu’il ait existé », a confié Caroline Giguère à la sortie de l’audience.

Près de trois ans après la mort de son fils, Caroline Giguère commence à se reconstruire. Mais la courageuse femme peine encore à comprendre ce crime gratuit. « C’est ce qui est le plus perturbant, ça n’a aucun sens… C’est tellement incompatible avec la personnalité de mon fils de finir comme ça. C’était quelqu’un de très doux, très intelligent, de posé, pas du tout impulsif. Le contraire de l’impulsif », a-t-elle confié.

Facultés affaiblies

La défense réclame au juge d’imposer la peine minimale pour un tel crime, soit une peine de prison à vie, assortie de la période minimale de 10 ans avant l’admissibilité à la libération conditionnelle.

Selon MMarie-Hélène Giroux, il faut considérer comme un facteur atténuant les facultés affaiblies de son client. « Il était impulsif après avoir consommé de l’alcool », a-t-elle relaté. Or, selon la Couronne, son intoxication est au contraire un facteur aggravant.

Ce soir-là, Maxime Chicoine-Joubert avait consommé de la cocaïne et avait calé une bouteille de vodka. Peu de temps avant le meurtre, il avait invité un employé apeuré d’un Subway à se battre. « Je suis un caïd ! », avait-il affirmé. Il sortait d’ailleurs de prison pour trafic de stupéfiants et était soumis à deux probations.

La défense a également souligné les remords de l’accusé. Au début de l’audience, Maxime Chicoine-Joubert s’est en effet adressé brièvement à la famille. « Je suis vraiment désolé de la tournure des évènements et je n’ai aucunement souhaité tout ça », a-t-il simplement déclaré.

Le juge rendra sa sentence le 23 mars prochain.