Dans un témoignage en chef relativement bref — environ une journée — mais intense, un ancien tueur à gages devenu taupe pour la police a admis avoir tué le lieutenant de la mafia Rocco Sollecito « de 10 ou 11 balles », le matin du 27 mai 2016.

Cet ex-tueur à gages, dont on doit taire l’identité, a témoigné pour une deuxième journée lundi au procès de Dominico Scarfo, accusé d’avoir comploté et pris part au meurtre de Sollecito, mais également à celui d’un autre lieutenant de la mafia montréalaise, Lorenzo Giordano, aussi assassiné en 2016.

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Dominico Scarfo, accusé des meurtres de Rocco Sollecito et de Lorenzo Giordano

L’ex-tueur a raconté que Scarfo et un troisième individu, qui se trouvait sur une moto et dont l’identité est aussi couverte par un interdit de publication, l’accompagnaient lors du meurtre de Rocco Sollecito.

Il a expliqué le rôle que chacun devait jouer lorsque la victime sortirait de son immeuble à condos, situé sur le boulevard Saint-Elzéar, près de l’autoroute 440, à Laval.

« J’étais avec le motocycliste et Scarfo. On a fait un plan. Rocco allait sortir, le motocycliste allait confirmer avec sa moto qu’il était sorti, et Dominic [Scarfo] allait se placer en avant et allait faire un stop. J’allais sortir de l’abribus. Je vois Scarfo et M. Sollecito sortir, et je l’ai regardé, il m’a regardé, j’ai tiré les deux premiers coups, ça a brisé la vitre, ensuite j’ai vidé le chargeur dans le corps de M. Sollecito ».

Dominic conduisait son auto […] il devait faire un vrai stop, pas un stop américain […] Quand Rocco était immobilisé, j’ai appuyé sur la détente et vidé le chargeur sur lui.

L'ex-tueur à gages

Par la suite, le témoin a confirmé avoir pris la fuite sur la moto conduite par le troisième individu.

Provocation policière

L’ancien tueur a également confirmé ce que les jurés ont entendu sur des enregistrements diffusés en salle d’audience ces dernières semaines ; que lui et Scarfo ont rencontré le troisième individu qui serait impliqué dans le meurtre de Sollecito et son père le 9 septembre 2019, et que la publication ce matin-là dans les médias et sur les réseaux sociaux d’une photo de la moto ayant servi lors du crime était une provocation policière visant à faire parler le père, le fils et Dominico Scarfo.

Le tueur devenu agent civil d’infiltration pour la police a également parlé des deux rencontres que lui et Scarfo ont eues avec Andrew Scoppa, et dit que ce dernier a d’abord examiné leur voiture, à la recherche d’un micro, lors de l’une de ces rencontres.

« Andrew analysait la situation, il a toujours analysé les situations », a dit le témoin.

Il a aussi déclaré qu’avant le meurtre de Sollecito, alors qu’ils se préparaient dans le garage du beau-frère du troisième individu, ce dernier a tenu une arme et tiré accidentellement dans un mur.

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Les policiers ont ouvert le mur du garage pour trouver des traces d’impact d’un projectile.

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Ils ont découvert ce trou derrière une tuile de céramique collée sur le mur.

« Il jouait avec les guns comme dans les films. Je lui ai dit : “Fais pas ça ! Il peut être chargé” », a décrit l’ancien tueur.

Durant le procès, un témoin a expliqué qu’un trou, qui pourrait correspondre à un impact de projectile d’arme à feu, a été découvert derrière un dosseret de céramique collé sur l’un des murs du garage d’une maison de la rue René-Sauvageau à Terrebonne le 16 octobre 2019, jour où Scarfo a été arrêté.

Le témoin s’emporte

Le témoignage de l’ACI, qui a duré environ une journée au total — sur deux jours —, ne s’est pas déroulé sans mal.

Vendredi matin, l’ancien tueur a annoncé d’emblée qu’il ne répondrait à aucune question de quiconque, avant que le juge Michel Pennou de la Cour supérieure parvienne à calmer la situation, que le témoin se ravise et qu’il débute son témoignage deux heures plus tard que prévu.

Lundi matin, l’ancien tueur s’est emporté lorsqu’il a été question de son passé criminel et des circonstances entourant la signature et le respect de son contrat avec l’État.

L’homme a notamment fustigé des policiers, les autorités en général et même le juge. Mais ce dernier et la procureure de la poursuite, MIsabelle Poulin, ont conservé leur calme. Le témoin s’est tranquillisé et a répondu aux dernières questions de l’interrogatoire en chef qui a pris fin vers 11 h 30.

L’ancien tueur à gages fait actuellement face à des accusations de harcèlement criminel et de non-respect des conditions déposées ces dernières semaines.

Le procès se poursuivra mardi après-midi ou mercredi matin avec le contre-interrogatoire de l’ex-assassin par les avocats de Scarfo, MLuc Trempe et MPeter Georges-Louis.

Avec la collaboration de Vincent Larouche, La Presse

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