Au nom des jeunes du Nunavik qui ont été pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et de ceux qui n’ont pas reçu les services nécessaires, deux femmes inuites veulent intenter une action collective contre Québec et Ottawa, dénonçant « le traitement discriminatoire de longue date des enfants, adolescents et familles » vivant dans cette région nordique.

« Ce traitement discriminatoire est ancré dans l’indifférence et le racisme que [les gouvernements] ont démontrés historiquement à l’endroit des Inuits du Nunavik », indique la demande d’action collective déposée lundi au palais de justice de Montréal.

Les gouvernements « ont échoué à offrir des services de base de protection de la jeunesse et d’autres services sociaux et de santé ».

Concrètement, Lucy Tookalook et Tanya Jones, les deux femmes qui veulent représenter les jeunes Inuits et leurs familles, réclament de Québec et Ottawa entre 40 000 $ et 300 000 $ par personne concernée, en compensation pour les dommages subis, en plus de dommages punitifs.

Elles soutiennent que les jeunes pris en charge par la DPJ depuis 1975 n’ont pas reçu les services de prévention et de protection nécessaires, ou alors qu’ils ont été retirés de leur foyer et placés en famille d’accueil, à cause des services déficients au Nunavik, ce qui a mené à des abus et à de la négligence, à la rupture des liens avec leur communauté, ainsi qu’à la perte de leur culture et de leur langue.

Les services de protection de la jeunesse au Nunavik auraient dû recevoir plus de financement, pour tenir compte de leur situation particulière, notamment en raison du traumatisme intergénérationnel que ses habitants ont subi et du fait qu’il s’agit d’une région éloignée, selon elles.

« Horribles abus »

« Les deux paliers de gouvernement sont demeurés aveugles aux horribles abus subis par les enfants inuits dans le système de protection de la jeunesse du Nunavik, au lieu d’accroître le financement pour offrir des services de protection de l’enfance adéquats, de façon urgente », peut-on lire dans la demande d’action collective.

Les enfants inuits sont parfois retirés de leur famille dès la naissance, en premier recours, ce qui explique la large surreprésentation d’enfants inuits du Nunavik dans le système de protection de la jeunesse, indique aussi le document.

« Lucy Tookalook et Tanya Jones ont elles-mêmes souffert des conséquences du sous-financement et de la négligence discriminatoire, indique-t-on aussi. Elles ont toutes les deux été retirées de leurs familles et placées en foyer d’accueil, dans le système déficient de protection de la jeunesse du Nunavik. Enfants, elles ont toutes les deux été traumatisées par des abus physiques et sexuels dans le système de protection de la jeunesse. Aucune des deux n’a reçu de support en santé mentale pour faire face au traumatisme d’avoir été retirées de leurs familles et abusées.

« Abandonnées par un système déficient, sous-financé et discriminatoire, elles sont devenues dépendantes à l’alcool et à la drogue dès l’âge de neuf ans pour réussir à vivre avec leurs traumatismes. »

Les deux femmes disent vouloir obtenir justice pour les enfants inuits et leurs parents qui ont souffert et continuent de souffrir, comme elles. Elles cherchent aussi à éviter qu’une autre génération soit perdue à cause des pratiques discriminatoires de gouvernements.