L’étudiante poursuivie par l’UQAM pour la publication de photos jugées « indécentes ou pornographiques » sur les réseaux sociaux compte se défendre. Elle allègue que le plaidoyer de l’Université est « sans fondement » et illustre une conception « dépassée » de l’art.

« Dans notre société moderne, le fait qu’une femme se révèle, partiellement ou autrement, sur une photo, alors que le photographe l’y a autorisée et qu’elle a payé pour acquérir ces photos, ne devrait pas être qualifié d’acte pouvant porter atteinte à la réputation », martèle Hélène Boudreau dans une déclaration sous serment transmise jeudi soir.

Elle affirme que ses photos sont « une marque de fierté, un symbole de liberté », et déplore qu’on tente de brimer sa liberté d’expression. Mercredi, La Presse a révélé que l’UQAM poursuivait l’étudiante en arts visuels, lui reprochant de publier des photos « indécentes ou pornographiques » sur les réseaux sociaux, en s’affichant avec le logo de l’établissement. L’Université lui réclame 125 000 $.

Cette affaire a commencé le 24 février, lorsque Hélène Boudreau a publié une première photo sur Instagram où on peut la voir « relevant sa toge de finissante de manière à exhiber ses seins ». D’après l’avocat de l’Université, MRaymond Doray, l’étudiante tenait alors dans ses mains un diplôme « sur lequel on peut voir de façon très nette » le logo de l’UQAM. « Il n’y a pas de doute que l’utilisation du nom et du sigle de l’UQAM […] vise à donner une valeur ajoutée à son commerce en ligne de photos indécentes ou pornographiques », a déploré l’avocat.

Le 2 mars, le vice-recteur à la vie académique, Jean-Christian Pleau, a communiqué avec l’étudiante pour lui demander de « retirer les photos en question ». L’Université reproche à Hélène Boudreau d’avoir supprimé la photo sur Instagram, mais pas sur Facebook, ni sur Twitter ou sur son profil OnlyFans. L’étudiante, elle, affirme qu’on ne lui a jamais demandé de le faire sur toutes les plateformes.

Sur une autre photo publiée sur Facebook, on voit l’étudiante « partiellement dénudée, qui lève un doigt d’honneur devant le logo et une publicité de l’UQAM ». La direction a envoyé une première mise en demeure le 12 mars, puis une seconde le 19 mars, après avoir été avisée qu’une « quinzaine d’hyperliens » renvoyaient vers la photo. À ce sujet, Hélène Boudreau affirme que les mises en demeure, envoyées à l’adresse de son père, ne lui ont pas été dûment remises. « En date de ce jour, toutes les photos ont été retirées » de toutes les plateformes, assure-t-elle toutefois, en assurant que les hyperliens ont aussi été effacés « dans le but d’en arriver à dialoguer avec l’UQAM ».

Réaction « incompréhensible »

Hélène Boudreau affirme que la réaction de l’établissement est « incompréhensible », dans la mesure où elle avait demandé au photographe, au moment de la prise des photos, si elle pouvait révéler sa poitrine. L’employé aurait accepté, pour autant qu’elle se limite « à exhiber le dessous » des seins.

« Les personnes présentes n’y ont rien vu de mal, bien au contraire. Il faut avoir une conception dépassée de l’art pour ne pas réaliser que mes photos ne se voulaient qu’une expression artistique originale », fustige l’étudiante, soutenant qu’elle n’avait « aucune intention » de s’en servir « comme matériel publicitaire ».

C’est le cabinet Spiegel Sohmer qui représentera Hélène Boudreau. « Ça touche des aspects sociaux qui, selon nous, en 2021, sont essentiels. Il faut protéger les droits de notre cliente, surtout pour s’exprimer de façon artistique. C’est primordial, et pas juste pour le droit », a expliqué MJason Novak.

En plus de lui-même, quatre de ses confrères, dont MDavid Banon, ont été affectés à l’affaire, « vu l’importance » de celle-ci, dont un juriste spécialisé en propriété intellectuelle. Les avocats de l’étudiante affirment que la marque « UQAM » n’est pas inscrite au registre des marques de commerce du Canada, et donc que même l’argument légal est infondé. Plusieurs internautes ont aussi offert leur soutien à Hélène Boudreau dans les derniers jours, sous le mot-clic #papauqam.

L’Université réagit

Vendredi soir, l’UQAM a souligné que « les procédures judiciaires qu’elle a intentées il y a quelques jours à l’encontre de l’une de ses étudiantes n’ont aucunement pour but d’interdire à cette dernière de diffuser des photos intimes d’elle-même ».

« Si l’UQAM a dû s’adresser aux tribunaux, c’est qu’en dépit de trois demandes formelles, l’étudiante a continué à associer le nom de l’Université et son logo (parfois modifié) à ses photos intimes, portant ainsi atteinte au nom et au logo enregistrés de l’UQAM et à la réputation de l’Université », affirme l’administration. Celle-ci ajoute que « la liberté d’expression, qui est une valeur chère à l’UQAM, ne justifie pas de telles atteintes ».