(Montréal) La Sûreté du Québec lancera l’année prochaine un programme de formation obligatoire afin d’aider ses policiers à intervenir plus efficacement lorsqu’ils sont aux prises avec une personne souffrant de détresse psychologique.

Le corps policier espère que cette formation réduira le nombre d’interventions se terminant par une issue fatale.

« La société veut des changements dans le modèle d’intervention de la police, convient le sergent Dominique Éthier, un moniteur en emploi de la force qui participe à la mise en place du programme. Traditionnellement, on priorise la protection avant de commencer à négocier avec une personne en crise et à désamorcer une crise. Notre approche consiste à prévenir la confrontation puis de s’assurer de la sécurité. »

Il mentionne que la nouvelle formation sera obligatoire pour tous les policiers et les nouvelles recrues. Elle aidera les agents à gérer leur propre stress et à reconnaître les situations impliquant des personnes mentalement instables.

On veut s’assurer que tout sera fait pour éviter une issue fatale. Quand une personne est abattue, c’est une tragédie pour sa famille et la police. Tout le monde en souffre.

Dominique Éthier, sergent et moniteur à la SQ

La mesure est une conséquence du nombre de décès survenus lors d’une intervention policière. Selon le Bureau du coroner du Québec, ce nombre s’élève à 25 depuis 2016.

En 2014, le coroner Luc Malouin avait recommandé de « revoir la formation pour les policiers afin qu’ils reçoivent une bonne formation en matière de santé mentale et sur la façon d’intervenir auprès des personnes ayant des problèmes de santé mentale » à la suite de la mort Alain Magloire, tué par balle par des policiers du SPVM.

Si le nombre de crimes signalés est en baisse, les policiers de la SQ ont dû intervenir dans 21 770 cas liés à la santé mentale en 2020, un bond de 50 % depuis la mort de M. Magloire.

« Le nombre d’appels que les postes de police reçoivent pour des situations impliquant des gens souffrant de troubles mentaux est constamment en augmentation, dit M. Éthier. La société change. Nos connaissances sur ce sujet ont aussi changé. On doit considérer ce que les recherches ont démontré et examiner l’écart afin d’améliorer notre formation et nos interventions. »

Les policiers devront suivre une formation de quatre heures en ligne qui présentera les préjudices entourant la santé mentale et les moyens pour établir des relations confiantes au cours d’une intervention. Ils devront ensuite suivre des ateliers pendant deux jours au cours desquels ils seront placés dans des scénarios d’intervention.

Scepticisme

Jean-François Plouffe, du groupe Action-Autonomie, juge essentiel que la formation policière reflète les besoins actuels de la société.

« La motivation première de quelqu’un voulant s’engager dans la police n’est pas nécessairement de lutter contre le crime, souligne-t-il. C’est une partie de leur travail, mais celui-ci sera d’aspect psychosocial. La formation des policiers doit le refléter. »

La mort de Jean-René Olivier à Repentigny, cet été, a été l’occasion de relancer les demandes sur la formation des policiers. L’homme de 37 ans a été abattu par des policiers municipaux à l’extérieur de la résidence familiale. Sa famille avait demandé l’aide des policiers après avoir exprimé une inquiétude sur sa santé mentale.

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marie-Mireille Bence tient une photo de son fils abattu cet été par les policiers de Repentigny.

« J’ai précisé à la police que mon fils tenait un couteau. Je voulais qu’elle l’amène à l’hôpital, raconte sa mère Marie-Mireille Bence. J’ai spécifié à un hôpital psychiatrique, mais les policiers sont arrivés et ont tué mon fils. »

Elle croit que si un agent ayant reçu une formation sur la santé mentale avait été présent, ou si un travailleur social avait accompagné les policiers, les choses seraient tournées de façon différente.

« Ils ont agi comme s’ils savaient ce qu’ils allaient faire. Cela n’a pas pris beaucoup de temps. Quelques policiers devant un petit homme armé d’un couteau à steak. Ils n’ont pas pris le temps d’intervenir comme ils auraient dû. »

Le sergent Éthier dit qu’un des aspects essentiels de la nouvelle formation sera de donner une nouvelle notion du temps aux policiers. Agir rapidement peut donner l’impression de contrôler une situation, ce qui n’est souvent pas le cas, souligne-t-il.

Le problème est que les policiers étudient une situation trop rapidement. On doit modifier la façon dont on utiliser le temps. Plus on prend son temps, plus on permet aux gens de se calmer.

Dominique Éthier, sergent et moniteur à la SQ

M. Plouffe demeure sceptique. Il préférerait des changements plus profonds dans la culture policière.

« La route est longue, car nous avons des décennies de violence, de brutalité, d’intransigeance policières derrière nous. La formation ne changera pas ça en un clin d’œil. La vision traditionnelle des policiers consistant à pourchasser des criminels est toujours très enracinée. »

Il espère que la formation modifiera l’esprit des policiers à ce sujet, les convaincra qu’ils sont là pour aider à régler des situations de crise plutôt que pour réprimander et arrêter des citoyens.

Le sergent Éthier reconnaît que la confiance doit être rétablie. « Si les gens ne croient plus en nous, que pourrons-nous faire. Nous en sommes là. »