Jérémy Gabriel s’est dit « très déçu » d’avoir perdu sa cause face à Mike Ward, alors que la Cour suprême a statué vendredi en faveur de l’humoriste. « Un peu amoché » par près de 10 années de litige, il affirme toutefois être prêt à tourner la page.

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« Après toutes ces années, c’est difficile de perdre, mais ça se prend avec beaucoup d’humilité et de dignité », a affirmé Jérémy Gabriel vendredi lors d’une conférence de presse. Si « le combat se termine tristement pour [lui] », il affirme être aujourd’hui « serein » face à la situation.

Entouré du président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Philippe-André Tessier, et d’une des avocates responsables du dossier, MStéphanie Fournier, Jérémy Gabriel a précisé que son but n’avait jamais été de « se victimiser ». Il souhaitait plutôt susciter une réflexion collective, objectif qu’il estime en partie atteint. « Même si la porte est fermée pour moi, elle n’est pas définitivement fermée », estime-t-il.

Condamné en 2016 par le Tribunal des droits de la personne à verser 35 000 $ à Jérémy Gabriel et après un jugement en appel contre lui, l’humoriste Mike Ward voit finalement le vent tourner en sa faveur devant le plus haut tribunal du pays. La Cour suprême du Canada n’estime pas que le numéro de son spectacle Mike Ward s’eXpose où il se moquait allègrement de Jérémy Gabriel est un cas de discrimination en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

MStéphanie Fournier a quant à elle soulevé, devant les médias, que le « profond clivage » chez les juges, tant sur le verdict que « sur la notion même de dignité et de ce qui constitue la discrimination fondée sur la dignité », vient changer les règles du jeu et créer un nouveau cadre juridique sur ces questions. « Il ne s’agissait pas pour la Commission de faire le procès de l’humour ou de limiter la liberté d’expression d’un humoriste, mais bien de défendre le droit à la dignité d’un jeune adolescent », a précisé le président de la Commission des droits de la personne, assurant que le travail de l’organisme se poursuivrait en ce sens.

« Beaucoup de temps et d’énergie »

Jérémy Gabriel s’est confié sur les idées suicidaires qu’il a eues lorsque le numéro est sorti et qu’il subissait de l’intimidation. Il a dit avoir tenté au moins une fois de mettre fin à ses jours. « La bataille judiciaire dont je viens de sortir a duré presque 10 ans, et a soutiré beaucoup de mon temps et de mon énergie », a affirmé M. Gabriel, émotif. Pour lui, le fait d’avoir « dénoncé » Mike Ward demeure « une fierté », car il a pris position contre « la discrimination dans un discours public » et pour la défense des personnes en situation de handicap.

La Commission des droits de la personne aurait tenté, en vain, d’approcher Mike Ward pour un règlement à l’amiable avant que le litige ne se retrouve devant le tribunal. « J’aurais aimé une conversation franche et directe avec M. Mike Ward », a affirmé Jérémy Gabriel. « On a eu deux jugements favorables et on était prêts à le rencontrer pour qu’il y ait une discussion parce que ce que je voyais beaucoup, c’est qu’on minimisait […] ce qui se passait, ce qui avait été dit, les impacts sur moi et ma vie, a-t-il ajouté. J’aurais voulu lui dire ça en pleine face, pas qu’on se retrouve devant le tribunal. Ça aurait pu être évité. »

Pour Jérémy Gabriel, l’enjeu de la discrimination était au centre du litige. Le but, a-t-il dit, n’a jamais été de se retrouver devant les tribunaux, mais d’obtenir une « rétribution » et une reconnaissance « des torts commis » de la part de l’humoriste. Une reconnaissance qu’il ne croit pas qu’il obtiendra un jour. « La vraie beauté là-dedans, c’est que je peux maintenant passer à autre chose, a-t-il ajouté. C’est aussi une sorte de soulagement. »