La victime d’Edgar Fruitier n’était pas un « enfant au sens de la Loi » dans les années 1970, même s’il avait alors 15 ans, a plaidé jeudi l’avocat du comédien devant la Cour d’appel du Québec. L’homme de 91 ans saura ce vendredi matin s’il pourra recouvrer la liberté pendant le processus d’appel de sa peine.

Edgar Fruitier était un comédien respecté âgé d’une quarantaine d’années lorsqu’il a agressé sexuellement à trois reprises Jean-René Tétreault, un adolescent vulnérable qui le considérait comme un « grand frère ». L’artiste a été condamné à six mois de détention lundi après avoir été reconnu coupable d’attentat à la pudeur l’an dernier.

Dans sa plaidoirie en Cour d’appel jeudi, l’avocat d’Edgar Fruitier a soulevé un étonnant argument pour en appeler de la peine. À son avis, la victime de 15 ans n’était pas considérée comme un « enfant » en 1974, puisqu’à l’époque, l’âge du consentement sexuel était fixé à 14 ans. Or, en aucun cas, l’adolescent n’a consenti aux gestes commis par son agresseur en 1974 et en 1976 dans son chalet et son studio d’enregistrement.

« L’infraction commise alors qu’il avait 15 ans serait l’équivalent d’une infraction visant quelqu’un de 17 ans », a fait valoir MGaétan Bourassa. En vertu de ce raisonnement, le juge Marc Bisson n’aurait pas dû s’appuyer sur « l’évolution des valeurs de la protection de nos enfants comme facteur aggravant » pour imposer une telle peine.

De ce fait, les principes de l’arrêt Friesen de la Cour suprême visant à durcir les peines à l’égard des agresseurs d’enfants n’auraient pas dû s’appliquer, puisque cet arrêt-phare vise la « protection des enfants ». « On n’est pas dans un cas où c’est un enfant dans le sens de Friesen. C’est un adolescent qui approchait de la notion d’adulte », a plaidé MBourassa.

Un argument complètement rejeté par la Couronne. « À l’époque, une personne de 15 ans, c’était un enfant. C’était autant un enfant en 1974 et en 1976 que [c’est] un enfant aujourd’hui. Il n’y a aucune allégation comme quoi il y aurait eu consentement », a soutenu MFrancis Villeneuve-Ménard devant le juge Mark Schrager.

Mise en liberté

La Couronne s’oppose à la mise en liberté d’Edgar Fruitier pendant le processus d’appel. La confiance du public dans l’administration de la justice risquerait d’être ébranlée si l’accusé ne purgeait pas immédiatement sa peine, selon MVilleneuve-Ménard.

Edgar Fruitier est un « vieillard de 91 ans qui ne sort plus », a fait valoir MBourassa. Ainsi, compte tenu notamment de son « état de santé précaire » et de son absence d’antécédents judiciaires, sa mise en liberté ne nuirait pas à la bonne administration de la justice, selon la défense.

Comédien et animateur admiré pour sa brillante carrière au théâtre et à la télévision, Edgar Fruitier a été déclaré coupable en 2020 de deux chefs d’accusation d’attentat à la pudeur. L’artiste a mis la main sur le pénis d’un adolescent à trois occasions en 1974 et en 1976, alors que le garçon avait 15, puis 17 ans.

« L’accusé a profité de la vulnérabilité de cet adolescent sans considérer pour un instant les lourdes conséquences qu’aurait inévitablement son comportement déviant sur lui », a soutenu lundi le juge Marc Bisson, au palais de justice de Longueuil.

La Cour d’appel rendra sa décision ce vendredi matin.