À genoux et incapable de se relever après avoir reçu trois tirs d’armes à feu, été atteint par une arme de type Taser et visé avec une autre arme intermédiaire, Pierre Coriolan a de nouveau reçu une décharge électrique et été ultimement frappé à coups de bâton sur le bras par un autre policier. Si cela a été fait, c’est parce qu’il « tenait encore fermement son couteau et son tournevis ».

C’est ce qu’a expliqué le sergent Jimmy Carl Michon, qui était aux commandes de l’opération policière qui a mené, le 27 juin 2017, à la mort de Pierre Coriolan, un homme en crise et aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Dans son témoignage à l’enquête publique du coroner, mercredi, M. Michon a expliqué avoir lancé à ses collègues : « Ça prend une autre shot ! » en voyant que M. Coriolan essayait, quoiqu’en vain parce que gravement touché, de se relever alors qu’il était toujours armé.

Après ses deux tirs et celui de son collègue Simon Chrétien, M. Michon a dit qu’il ne voulait pas réutiliser son arme à feu et qu’il croyait qu’un tir d’arme intermédiaire devait suivre.

C’est toujours en vue de désarmer M. Coriolan, finalement allongé sur le côté, que des coups de bâton lui ont été donnés.

La séquence racontée par M. Michon a en bonne partie été filmée par un voisin. Elle a été visionnée en audience mercredi devant des policiers qui ont fait l’intervention et sous les cris de Yolande Coriolan, la sœur de la victime. À travers ses pleurs, elle hurlait à répétition : « C’est parce qu’il est Noir ! »

Manque de formation en santé mentale

M. Michon est policier depuis 19 ans. Depuis sa formation à l’École de police de Nicolet, il n’a pas souvenir d’avoir reçu de formation pour intervenir auprès de personnes présentant un problème de santé mentale. À sa connaissance, ses cinq collègues présents lors de l’intervention – dont deux avaient ensemble moins de deux ans d’expérience, a-t-il précisé – n’en avaient pas reçu non plus.

Sa longue expérience, notamment dans des quartiers difficiles de Montréal, le rendait cependant à l’aise dans ce type d’intervention qu’il a fait à maintes reprises dans sa carrière, a-t-il précisé.

Du pas de la porte, sans entrer dans l’appartement, il a dit à M. Coriolan qui se trouvait, selon lui, à environ 4,5 mètres face à son téléviseur : « Police ! Lâche ton couteau ! »

Malgré son manque de formation en santé mentale, M. Michon savait-il que, lors d’une intervention avec une personne en crise, il ne faut pas lever le ton, ne pas la brusquer ? À cette question, M. Michon a répondu par l’affirmative, ajoutant qu’il avait cependant devant lui un homme armé (de deux objets pointus dans chaque main, a-t-il dit à un moment donné de son témoignage) qui s’est mis en position de « charger » et qui a fini par se trouver à environ un mètre de lui quand il l’a tiré.

« Dans l’urgence d’agir »

En se rendant chez M. Coriolan, M. Michon, qui était passager du véhicule de police, a dit avoir pu consulter les appels d’urgence. Il y était précisé que M. Coriolan avait peut-être un bâton ou un couteau et qu’il était seul dans son appartement.

Bien qu’arrivé trois minutes plus tard, M. Michon dit n’avoir jamais tenu pour acquis qu’il était bien seul parce que même en ce court laps de temps, la situation aurait pu changer.

Du début à la fin, l’intervention s’est faite « dans l’urgence d’agir », en pensant que quelqu’un était peut-être en danger. M. Michon a rappelé que tout cela se passait dans un immeuble du quartier Centre-Sud à Montréal très connu des policiers, qui s’y rendent fréquemment parce qu’il y a trafic de drogues et prostitution. Un homicide y était aussi survenu deux ans plus tôt.

L’appel d’urgence au 911 était assorti d’un numéro de téléphone d’une intervenante communautaire attitrée au HLM de M. Coriolan. On ne l’a pas contactée, et il n’a pas été envisagé d’appeler le groupe tactique d’intervention, qui aurait pu mettre jusqu’à une heure et demie à se déployer, selon M. Michon. Un périmètre de sécurité n’a pas non plus été envisagé.

Entre le premier appel au 911 et les manœuvres de réanimation sur le corps de M. Coriolan, il s’est passé un peu moins de 10 minutes.