La tentative de la Ville de Montréal pour récupérer devant les tribunaux plus de 5 millions d’une fraude informatique dont elle a été victime il y a 15 ans, n’a fonctionné qu’à moitié. Soulignant le manque d’effort de Montréal pour ravoir « l’argent des contribuables » quand il en était encore temps, la Cour supérieure a tout de même condamné les fraudeurs à verser 2,5 millions à la firme OS4 Techno qui elle, devra rembourser la Ville.

Cette saga a fait dire au juge Babak Barin dans un jugement publié jeudi soir, qu'« il est temps de mettre fin aux dépenses en frais juridiques engouffrés dans cette affaire civile à même les fonds publics ». Les parties ont toutefois 30 jours pour porter la cause en appel.

Le juge Barin n’est pas tendre à l’égard de la Ville de Montréal qui « n’a pas pris les mesures  qu’une personne raisonnablement prudente et diligente aurait dû déployer afin d’intercepter certains fonds disponibles au Québec et limiter ainsi ses dommages. »

En effet, lorsque le pot aux roses a été connu, soit un stratagème de détournement de fonds basé principalement sur de la fausse facturation qui a généré plus de 5 millions, la Ville de Montréal s’est bornée à congédier le haut fonctionnaire Gilles Parent qui avait tout élaboré avec un sous-traitant. Or, M. Parent – qui a été condamné à six ans de prison – avait admis que l’argent était « retraçable » et « récupérable », peut-on lire dans le jugement. Quand la Ville a décidé d’entamer une poursuite ne visant qu’un seul fournisseur de services, l’argent détourné avait déjà été expédié en Chine.

Le juge Barin mentionne également « l’attitude laxiste » adoptée par sept hauts dirigeants de la Ville qui auraient dû suivre à la trace le travail de M. Parent et de son sous-traitant. Cette responsabilité a été prise à la légère, écrit-il. « L’intégrité doit être au cœur de la gestion des fonds publics et des mécanismes de surveillance efficaces doivent être priorisés », écrit Babak Barin.

Le « manquement » de Montréal n’éclipse toutefois pas la gravité du geste des fraudeurs, qui demeure hautement répréhensible, souligne-t-on dans le jugement. Ainsi, on y établit la part de responsabilité de chacun des protagonistes du stratagème.

Rappelons qu’au moment de son arrestation en 2009, Gilles Parent avait déclaré aux policiers qu’il considérait être sous-payé par Montréal et qu’il voulait se constituer « un meilleur fonds de pension ». Notons également que M. Parent a remis un plan d’argumentation dans lequel on peut lire qu’il estime que la Ville a sa part de responsabilités compte tenu notamment, de « ses retards de paiement » à l’égard des entreprises.

En introduction à son jugement, le juge Barin philosophe sur le coût du mensonge et la vérité qui persiste, laissant voir que les tourments passés de Montréal ne tombent pas dans l’oubli. « Certains pensent que la pureté de la vérité se dilue avec le passage du temps. Quand celle-ci les confronte, la tentation de l’anéantir est forte, mais en filigrane, les traces du mensonge demeurent », écrit-il.