(Montréal) Le gouvernement du Québec attribue la forte augmentation du nombre d’armes d’épaule remises volontairement à la police à sa nouvelle loi sur l’immatriculation des armes à feu.

Du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, 5250 armes d’épaule ont été cédées aux autorités pour être détruites, selon une porte-parole de Sûreté du Québec, Joyce Kemp.

L’année précédente, 2406 armes d’épaule — telles que les carabines et les fusils de chasse — avaient été rendues. C’est une augmentation de 118 %. L’État québécois avait estimé en 2015 qu’il y aurait 1,6 million d’armes d’épaule au Québec.

La législation canadienne classe les armes à feu en trois catégories. Les armes à feu prohibées, comme les armes automatiques, et les armes à autorisation restreinte, comme les armes de poing, doivent être enregistrées auprès de la GRC. Au Québec, contrairement au reste du pays, les armes d’épaule, comme les carabines et les fusils de chasse, doivent être immatriculées.

Selon Jean-François Del Torchio, le porte-parole de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, la forte baisse était sans doute liée à la Loi sur l’immatriculation des armes à feu adoptée en 2016 sous le gouvernement libéral précédent et entrée en vigueur le 29 janvier 2018. Le propriétaire d’une arme à feu disposait d’un an suivant cette date pour en demander l’immatriculation.

Tous les propriétaires d’armes d’épaule doivent immatriculer leurs armes. Ils peuvent le faire sans frais en ligne ou par courrier. Ceux qui refusent de se conformer à la loi sont passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 5000 $.

M. Del Torchio croit que les propriétaires d’armes qui ne vont plus à la chasse les ont sans doute remis à la police. D’autres, ajoute-t-il, ont peut-être reçu une arme en guise de cadeau ou à la suite d’une succession et souhaitaient ne pas passer par le processus d’immatriculation.

« Les passionnés de la chasse vont continuer à chasser et à garder leurs armes », fait-il valoir.

Joyce Kemp dit que la police ne recense pas les motifs poussant les propriétaires à remettre leurs armes, mais elle croit que « ce qui peut expliquer la différence pour 2018-2019, c’est l’entrée en vigueur de la loi sur l’immatriculation armes de feu ».

Si de plus en plus de Québécois se débarrassent de leurs armes de chasse par rapport aux années précédentes, environ seulement le tiers des armes d’épaule estimées au Québec ont été immatriculées depuis l’entrée en vigueur de la loi.

Une porte-parole du ministère de la Sécurité publique du Québec, Louise Quintin, a signalé par courriel que 516 270 armes avaient été immatriculées depuis janvier 2019.

Certains propriétaires d’armes à feu ont lancé des appels au boycottage du registre. De nombreux conseils municipaux situés dans des régions rurales de la province ont adopté des résolutions dénonçant ce registre ou réclamant sa suppression.

Le gouvernement québécois a déposé la semaine dernière un projet de loi visant à supprimer certaines obligations pour les propriétaires d’armes à feu.

Ainsi, ils ne seront plus tenus de fournir le numéro d’immatriculation de leur arme à la demande d’un agent de la paix ou d’indiquer la longueur du canon de leur arme en présentant leur demande d’immatriculation. Il est aussi question d’éliminer l’obligation d’aviser le Service d’immatriculation des armes à feu lorsqu’il y a changement temporaire du lieu où est gardée l’arme à feu.

La directrice générale adjointe de la Fédération des chasseurs et des pêcheurs du Québec, Stéphanie Vadnais, a dit que son groupe se présentera en commission parlementaire pour obtenir plus de concessions du gouvernement.

En entrevue, elle a déclaré vendredi que la loi actuelle est irritante et bureaucratique, mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle son groupe s’y oppose.

Elle a soutenu que le registre des armes à feu au Canada a été un fiasco. Il existe peu de preuves concrètes démontrant que le pays est devenu plus sûr, a ajouté Mme Vadnais.

Les libéraux fédéraux avaient mis en place un registre des armes d’épaule à l’échelle nationale en 1995, affirmant que cela ne coûterait qu’environ 10 millions. Les coûts n’ont cessé de se multiplier avant que le gouvernement conservateur l’abolisse en 2012.

Mme Guilbault soutient que le coût du fichier québécois n’avait pas changé : environ 20 millions pour la mise en place et 5 millions par année pour la gestion.

« On vend à gros prix une illusion de sécurité », a souligné Mme Vadnais.

Nombre d’armes d’épaule remises volontairement à la police partout au Québec, du 1er avril et le 31 mars :

2015-16 : 3275

2016-17 : 3185

2017-18 : 2406

2018-19 : 5250

Source : Sûreté du Québec

Toronto récupère 2700 armes à feu

On compte quelque 2700 armes à feu de moins en circulation à Toronto à la fin du programme de rachat amorcé il y a trois semaines et qui s’est achevé vendredi.

Les résidants ont cédé plus de 1900 armes d’épaule et 800 armes de poing aux autorités pour qu’elles puissent les détruire. Selon le service de police de Toronto, il s’agit du nombre de remises le plus important depuis l’instauration de ce genre de programme dans la Ville-Reine.

Le maire John Tory s’est félicité de la réduction du nombre d’armes à feu dans les rues de Toronto.

« Chaque arme remise est une arme de moins dans notre collectivité. C’est une arme de moins potentiellement disponible pour les personnes voulant causer du trouble », a-t-il déclaré sur Twitter.

M. Tory a rappelé que le programme de rachat ne constituait qu’une partie des efforts mis en place pour réduire la violence armée.

« J’ai répété que pour mettre fin à la violence armée, il fallait prendre diverses mesures. Il n’y a pas de solution magique à ce problème. Ce programme de rachat d’armes à feu n’est qu’une des nombreuses mesures que nous prenons. »

Il s’est commis pas moins de 96 homicides à Toronto, l’an dernier, un record. Le nombre d’homicides commis par une arme à feu a grimpé de 30 %.

Le chef de police Mark Saunders a qualifié le programme de rachat de succès.

« Nous sommes heureux de la participation des Torontois qui prennent des mesures pour éliminer en toute sécurité des armes non désirées chez eux. Ces armes peuvent présenter un danger potentiel si elles tombent entre de mauvaises mains », a-t-il souligné.

En vertu du programme de rachat, les Torontois ont reçu 200 $ pour avoir rendu une arme d’épaule et 350 $ pour une arme de poing après que la police eut déterminé que les armes n’avaient pas été utilisées dans un crime.

La police a offert une indemnisation similaire lors d’un programme de rachat en 2008. Cette année-là, elle a collecté près de 2000 armes à feu, dont 500 étaient des armes de poing. Elle n’a offert que 150 $ en 2013 et le nombre d’armes remises a chuté à 500. Deux plus tard, aucune somme n’était proposée et la police n’a reçu que 150 armes à feu.

Contrairement à certains programmes aux États-Unis, les remises ne peuvent pas être anonymes. Mais la police de Toronto a promis que ceux qui avaient rendu des armes ne feraient pas l’objet d’accusations de possession ou d’entreposage non sécurisé.