Tout a commencé par une rencontre fortuite dans un café. Il était charmant et attrayant, et tout ce qu'il disait reflétait sa vie.

La relation s'est transformée en une romance, mais la séduction s'est terminée des mois plus tard apparemment dans la tromperie, un stratagème élaboré par un présumé escroc en série aux mains de qui elle a perdu des milliers de dollars.

« Tout ce qu'il m'a dit était un mensonge, a dit Andrea Speranza, une sportive de 49 ans aux longs cheveux bruns. Je ne comprenais pas comment il pouvait me faire l'amour dans le seul but de m'arnaquer. »

Depuis lors, elle a retrouvé plusieurs victimes présumées de Marcel André Vautour, un homme ayant un casier judiciaire, des mandats d'arrestation à son nom et plusieurs pseudonymes.

Ses victimes présumées affirment qu'il cible les femmes de 45 à 50 ans, en pleine carrière, laissant derrière lui une traînée de coeurs brisés et des comptes en banque vides à travers le pays.

La Presse canadienne a parlé à trois femmes qui disent avoir été victimes de ses stratagèmes romantiques et à un homme à qui on avait promis un emploi et qui a fini par perdre des dizaines de milliers de dollars. Chaque victime présumée a clairement identifié les photos de la même personne.

Marcel André Vautour n'a pas répondu aux demandes de commentaires par téléphone, courrier électronique ou médias sociaux. Aucune des allégations portées contre lui n'a été prouvée devant les tribunaux.

Mme Speranza dit qu'elle partage son histoire pour empêcher plus de personnes d'être victimes de ses prétendues escroqueries.

« Je veux l'empêcher de blesser plus de gens, a déclaré Mme Speranza. Je vais attraper un criminel. »

Originaire de l'Ontario, Mme Speranza a eu une enfance difficile.

Malgré tout, elle a obtenu son diplôme universitaire et a déménagé en Nouvelle-Écosse, où elle est devenue pompière et l'une des premières capitaines à Halifax.

Mme Speranza a consacré sa vie à aider les autres en organisant un camp primé qui éduque les filles sur les carrières dans les services d'urgence.

Quand elle a rencontré un homme qui disait s'appeler March Hebert l'été dernier, ils semblaient être des âmes soeurs.

Il lui a raconté l'histoire de sa vie familiale difficile, affirmant que ses parents avaient des problèmes de dépendance. Mais il avait changé de vie, travaillé sur des plateformes pétrolières en mer et acheté des centaines d'acres dans les zones rurales de la Nouvelle-Écosse pour construire une installation pour les jeunes à risque.

« C'était presque comme s'il me racontait tout ce qui était arrivé dans ma propre vie », a dit Mme Speranza.

Elle dit qu'elle réalise maintenant que ce n'était pas une rencontre fortuite. Il l'a ciblée, croit-elle, en utilisant un scénario bien affiné et en posant des questions pointues pour élaborer un plan.

Tout a commencé avec désinvolture - elle ne cherchait pas une relation. Mais elle était attirée par son désir d'aider les jeunes et de redonner à la communauté.

L'homme de cinq pieds huit pouces et de 185 livres avec des yeux verts et un sourire désarmant a fini par la persuader de passer du temps avec lui. Ils ont fait de la randonnée et du kayak et ont assisté à des événements de charité.

Il lui a dit qu'elle était belle. Elle faisait de lui une meilleure personne. Elle était la meilleure chose qui lui soit arrivée. Il était en train de tomber amoureux et voulait passer le reste de sa vie avec elle.

« Tout était parfait, a-t-elle dit. Il était super arrangeant, serviable et élogieux. Rien de ce que je pouvais dire ou faire n'était mauvais. »

Mme Speranza pense maintenant qu'il l'a ciblée pour qu'elle investisse dans son établissement apparemment inventé pour les jeunes à risque. Lorsqu'elle a plutôt proposé de l'aider à demander des subventions, elle croit qu'il a mis en place une stratégie de sortie.

Il a révélé qu'il souffrait de la maladie de Crohn et un jour, il l'a appelée pour lui dire qu'il avait été hospitalisé.

Elle se souvient qu'il ait dit qu'il allait bien, mais que son portefeuille avait été volé. Il avait besoin d'argent pour acheter des médicaments coûteux. Ensuite, il a dû aller à Toronto chercher son chien et a emprunté de l'argent pour un billet de train et une chambre d'hôtel. Il a promis de la rembourser.

Elle lui a donné 5000 $.

« Il s'est volatilisé après ça, a dit Mme Speranza, ajoutant qu'il ne l'avait jamais remboursée. Je suis fière d'être capable de prendre de bonnes décisions. Mais je ne me doutais absolument de rien. »

Elle a déposé un rapport de police et encouragé une autre victime présumée, Jean-Baptiste Joachin, à faire de même.

Le citoyen français avait rencontré Marcel André Vautour dans une auberge de jeunesse à Québec et l'avait accompagné à Halifax, où on lui avait promis un emploi sur une plateforme en mer.

M. Joachin aurait versé à Marcel André Vautour des milliers de dollars pour des cours de formation. Il a également ouvert des comptes bancaires et des cartes de crédit canadiens, auxquels le présumé fraudeur avait accès.

Lorsque Marcel André Vautour a quitté la ville l'automne dernier, M. Joachin avait perdu 30 000 $.

« Il m'a complètement berné, a déclaré M. Joachin. Tout ce qu'il m'a dit était des conneries. »

Le porte-parole de la police de Halifax, John MacLeod, a confirmé que la police avait reçu deux plaintes de fraude fondées sur les numéros de dossiers fournis à La Presse canadienne par Mme Speranza et M. Joachin. Mais il a précisé qu'un incident avait été clos et que le second était considéré comme une affaire civile.

Pendant ce temps, Mme Speranza a découvert plus de victimes présumées dans d'autres provinces via les médias sociaux. Elles ont échangé des photos du fraudeur pour confirmer son identité et ont partagé des informations sur leurs cas.

Ensemble, elles ont rassemblé une série d'allégations contre Marcel André Vautour à travers le pays.

La Presse canadienne a contacté les forces de police, les palais de justice et les ministères de la Justice de plusieurs provinces et confirmé qu'il est un homme recherché au passé criminel.

Des documents obtenus du ministère de la Justice du Québec montrent que Marcel André Vautour a plaidé coupable en 2005 d'avoir utilisé des données de carte de crédit sans autorisation et qu'il a été condamné à une peine de probation d'un an avec sursis.

En 2015, les tribunaux québécois ont lancé un mandat d'arrêt contre Marcel André Vautour pour fraude.

Le palais de justice de Victoria a confirmé qu'un mandat d'arrêt contre lui avait été émis en 2001 et exécuté en 2009. Il a plaidé coupable à des accusations de fraude en août 2009 et a purgé une peine de six mois avec sursis dans la communauté, suivie de deux ans et demi de probation.

Pendant ce temps, la GRC de West Kelowna a déclaré être au courant d'un incident récent et avoir un dossier de police ouvert à ce sujet. Mais le porte-parole, Jesse O'Donaghey, a déclaré que les détails spécifiques ne seraient pas divulgués tant que des accusations n'auraient pas été portées par l'avocat de la Couronne.

Le service de police de Winnipeg a confirmé que Marcel André Vautour faisait actuellement l'objet de deux mandats d'arrêt. L'agent Rob Carver a déclaré que les accusations en suspens à partir de 1998 concernaient la possession de biens obtenus criminellement d'une valeur de plus de 5000 $ et l'usurpation de nom.

Des dossiers de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick indiquent que l'homme avait été accusé d'avoir volé une Volkswagen Jetta à Dieppe.

En dépit des efforts déployés par les forces de l'ordre, certaines victimes présumées ont lancé leurs propres enquêtes, voire engagé un enquêteur privé.

Elles ont retrouvé plus de 20 numéros de téléphone, dix adresses de courrier électronique et plusieurs adresses physiques utilisées par Marcel André Vautour au Canada et à l'étranger.

Les victimes présumées ont même résumé sa méthode.

Elles disent qu'il raconte une variation de la même histoire à tout le monde : il a eu une carrière réussie, travaillant soit sur des plateformes pétrolières, en tant qu'opérateur de véhicule sous-marin télécommandé, ou exploitant des sociétés.

Il a affirmé en avoir fait fortune en investissant dans les métaux précieux, la cryptomonnaie et le cannabis, ont déclaré les victimes présumées. Il a déclaré posséder une Porsche décapotable blanche, un camion Ford F-350 et une Aston Martin bleue. Il avait même des photos pour montrer ses biens haut de gamme.

« Il avait de l'argent et voyageait beaucoup », a déclaré Jodi McMullin, une femme de la région d'Okanagan en Colombie-Britannique qu'il a rencontrée sur un site de rencontres en janvier 2018.

La romance éclair se déchaîna rapidement et ils commencèrent à planifier un avenir ensemble.

Il lui a dit qu'il travaillait au Vietnam et qu'il voulait rester avec elle au Canada. Mais il avait des problèmes fiscaux et avait besoin d'aide pour encaisser un chèque d'entreprise.

La femme d'affaires a offert de l'aider. Quand elle avait des doutes, il était toujours prêt avec une explication.

« Chaque fois que je l'interrogeais sur quelque chose, il avait une réponse immédiate, dit-elle. Il n'y a jamais eu d'hésitation. »

Elle lui a fourni son numéro de compte bancaire et il a déposé un chèque puis fait pression sur elle pour qu'elle lui transfère l'argent, dit-elle.

Mme McMullin a acquiescé et est partie pour un mariage aux États-Unis. À son retour, le chèque - dont elle a appris par la suite qu'il s'agissait d'un faux acheté en ligne - avait été renvoyé, a-t-elle déclaré.

« Il a fini par me voler un peu plus de 45 000 $, a-t-elle dit. Ma confiance est anéantie. Il ne se passe pas un jour sans que j'y pense. »

Mme Speranza est déterminée à traduire en justice l'homme qu'elle a connu sous le nom de March, en lançant www.stopthemarchmadness.com dans l'espoir de prévenir les fraudes amoureuses et en encourageant davantage de victimes potentielles à raconter des anecdotes, des histoires et des accusations possibles contre Marcel André Vautour.