(Saint-Jérôme) Violenté et attaqué au couteau par Véronique Barbe, Ugo Fredette a « snappé ». Poussé au bord du gouffre par la « médisance » et les « railleries » de sa conjointe, Ugo Fredette l’a poignardé et s’est enfui avec un enfant de 6 ans. C’est pour « protéger » ce dernier qu’il a tué sa conjointe et Yvon Lacasse, le 14 septembre 2017.

C’est la version des faits qu’a présenté la défense jeudi matin au procès pour meurtres au premier degré de l’homme de 43 ans. La défense demande au jury d’acquitter Ugo Fredette des deux meurtres et de le reconnaître coupable d’homicides involontaires. « Sans intention, nul meurtre comme condamnation », a martelé l’avocat de la défense.

« On a tous un point de rupture. La présente cause porte sur un homme malmené psychologiquement et parfois même, physiquement, qui va atteindre son point de rupture et par la suite, à cause du désordre émotif, [Ugo Fredette] va commettre l’irréparable pour protéger [un enfant] », a plaidé Me Louis-Alexandre Martin dans sa déclaration d’ouverture de la défense au palais de justice de Saint-Jérôme.

Le criminaliste a brossé un sombre portrait de la victime Véronique Barbe dans sa présentation au jury. Après quelques années de relation, la femme de 41 ans « se met à crier après [l’accusé], à tempêter, à médire contre lui, elle va parler de lui en mal, elle va le dénigrer, elle va lui manquer de respect. Mais Ugo l’aime, l’aime et est prêt à tous les compromis », a fait valoir Me Martin.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Véronique Barbe

Ugo Fredette poursuit la relation, mais « emmagasine » cette énergie. Selon la défense, Véronique Barbe « tient Ugo par l’intensité sexuelle ». Le sexe représente même leur mode de règlement de conflits. « Ils vont se réconcilier en faisant l’amour de façon torride », insiste l’avocat de Fredette. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit chaque jour de la semaine précédant la mort de Véronique Barbe, incluant la veille du drame.

Le jour fatidique, Véronique Barbe parle avec son ex-conjoint. Face à un « dilemme cornélien » et « extrêmement stressée », elle va faire vivre une « journée d’enfer à Ugo » et le blâmer pour des paroles que nous ne pouvons révéler. « Hors d’elle », Véronique Barbe tempête et crie sur Ugo Fredette. Elle lui dit quelque chose qui « déclenche » quelque chose dans la tête d’Ugo Fredette. « Ça l’a excessivement ébranlé », soutient Me Martin.

Véronique Barbe pousse son conjoint dans le haut des escaliers. Elle se dirige dans l’angle mort de la cuisine. En colère, Ugo Fredette se rend dans la cuisine. Mais Véronique Barbe a un couteau dans les mains et essaie de lui donner un coup de couteau.

« Il va le bloquer avec sa main, et là, toutes les énergies, toutes les railleries, la médisance, les cris, les problématiques au niveau du dénigrement vont sortir. Il voit noir. Il "tilte", il "snappe". Sa mémoire va être par flashes, il va se souvenir d’avoir donné un coup de couteau sur le patio, par la suite un black-out », explique l’avocat de la défense.

Toujours selon la théorie de la défense, Ugo Fredette revient à ses esprits en voyant le corps de sa conjointe, un couteau dans le corps. Il part alors avec l’enfant. « Il vient de vivre un traumatisme, il va venir vous le conter. Un désordre émotif s’installe. Ça va venir colorer toutes, toutes, toutes ses décisions », a insisté Me Martin.

Ugo Fredette conduit machinalement jusqu’à la halte routière de Lachute. Il s’arrête aux toilettes et laisse l’enfant dans le camion. À son retour, l’enfant n’est plus là. Puis, une « vision d’horreur ». Il voit Yvon Lacasse tenir l’enfant et le tirer vers l’intérieur de sa voiture.

Ugo Fredette prend l’homme de 71 ans par le collet, mais ce dernier lui « écrabouille » les lunettes. L’accusé pense que le septuagénaire s’apprête à partir avec l’enfant. Sous le choc et « l’état d’esprit chambardé », il donne des coups de poing au visage d’Yvon Lacasse. La bagarre se poursuit dans le véhicule. Ugo Fredette fait une prise de judo à la victime qui se frappe la tête au sol.

« Jamais durant la bagarre, il n’a voulu tuer ce monsieur. Il interprète que le monsieur continue à se battre parce qu’il veut enlever [l’enfant]. Il est hyperstressé, il a peur, et il est en totale panique. Par la suite, il va prendre des décisions un peu étranges, un peu erratiques », a raconté Me Martin au jury.

Ugo Fredette dépose le corps d’Yvon Lacasse dans un bois et continue sa route vers l’Abitibi. Il se rend alors compte que l’enfant a du sang sur lui et que l’homme âgé tirait peut-être l’enfant pour cette raison. « Il est complètement, complètement… C’est d’une tristesse sans nom. Il est plongé dans cette situation… Dans sa tête, il sait qu’il va se faire pogner à un moment donné. Ce qu’il veut, toujours avec son esprit chambardé, il veut aller à Niagara Falls avec [l’enfant]… », ajoute l’avocat de la défense.

Face à face avec deux policiers armés, Ugo Fredette n’a jamais voulu blesser l’enfant, qu’il tenait près de lui. Il a fait des mouvements exagérés pour indiquer aux policiers de le tuer.

Selon la théorie de la Couronne, Ugo Fredette a tué sa conjointe Véronique Barbe parce qu’il refusait d’accepter leur rupture. Il a ensuite battu à mort Yvon Lacasse pour lui voler son véhicule pendant sa fuite avec l’enfant de 6 ans. Le thérapeute du couple a témoigné que Véronique Barbe avait « peur » de son conjoint la veille du drame. Ce dernier l’avait d’ailleurs violenté trois jours plus tôt.

 Le procès se poursuit vendredi matin.