Gregory Woolley, l'un des acteurs les plus influents du crime organisé montréalais selon la police, voulait faire témoigner l'ancien enquêteur vedette et expert des motards déchu Benoit Roberge, dans le but d'écarter une partie de la preuve présentée contre lui.

Woolley a demandé à ce que l'ancien policier, arrêté en 2013 et condamné pour avoir vendu des informations aux Hells Angels, témoigne dans le cadre d'une requête qu'il a présentée pour faire exclure la plus grande partie de la preuve accumulée contre lui durant l'enquête Magot, par laquelle la police a décapité le crime organisé montréalais le 19 novembre 2015.

Mais le 5 octobre dernier, le juge Éric Downs, de la Cour supérieure, a débouté Woolley dans un jugement étoffé de plus de 100 pages. Le magistrat a levé hier l'interdit de publication qui nous empêchait de dévoiler le contenu de ce jugement. C'est vraisemblablement ce revers qui a incité Woolley, accusé de gangstérisme et de trafic de cocaïne, à plaider coupable vendredi dernier. Il a été condamné à huit ans de pénitencier.

HUIT SOURCES DE ROBERGE

Dans sa requête, Woolley mettait en doute la fiabilité de certaines sources policières dont les informations avaient servi à rédiger les déclarations sous serment des mandats d'écoute de l'enquête, et arguait que celle-ci était viciée en raison de sources contrôlées par Benoit Roberge.

Le policier qui a rédigé les déclarations sous serment a témoigné qu'à la suite de l'arrestation de Roberge et des accusations portées contre lui, une évaluation des dommages a été faite, les informations de huit sources que l'ancien policier contrôlait ont été retirées de la déclaration sous serment et le dépôt de la demande d'autorisation de surveillance électronique a été repoussé de quelques mois, le temps de gérer la crise.

« L'affiant [policier rédacteur] s'est montré transparent, juste et franc, en exposant la situation résultant de l'arrestation de l'ex-policier Benoit Roberge. Le Tribunal ne voit aucunement une quelconque tentative de manipuler la juge autorisatrice. » - Le juge Downs, en rejetant la requête de Woolley

À noter que Woolley voulait également faire témoigner l'animatrice et auteure Varda Étienne, sans que le jugement explique pourquoi, mais le juge a également rejeté cette demande. 

La décision du juge Downs nous permet par ailleurs d'en savoir peut-être un peu plus sur les circonstances entourant le meurtre du chef de gang de rue d'allégeance rouge Chénier Dupuy, à Montréal, à l'été 2012.

TÊTE MISE À PRIX

Le jugement cite une source qui a confié à un enquêteur de la Sûreté du Québec que Chénier Dupuy, alias Big, ne voulait pas respecter les règles imposées par Gregory Woolley, qui aurait voulu que les gangs achètent leurs drogues de son organisation et payent leurs redevances.

« Mais Big passe des messages partout qu'il se fout des Syndicates [ancienne organisation de Woolley] et dit être le chef de Montréal-Nord. Il veut reprendre ses activités comme avant son incarcération et utilise même les médias sociaux pour faire sa propagande. Big est tellement enragé de la situation qu'il a rencontré XXXX [caviardé dans le texte] pour avoir leur appui contre Greg », affirme l'enquêteur, citant sa source.

Celle-ci a dit au policier que, selon l'information de la rue, Woolley aurait mis un contrat sur la tête de Chénier en raison de son insolence, de son non-respect des règles et de « ses affronts répétés à son égard devant les gars ». 

Selon la source, Woolley aurait demandé à des individus de Montréal-Nord (Rouges) de tuer Chénier Dupuy, mais ceux-ci auraient refusé, car ils avaient été élevés avec lui. Ces individus auraient toutefois invité Woolley à faire appel à des membres de gangs de Saint-Michel (Bleus) pour faire le travail et l'auraient assuré de leur protection par la suite. Dupuy a été tué dans sa voiture le 12 août 2012. À noter que Gregory Woolley n'a jamais été accusé de ce crime et que les informations de la source n'ont jamais été testées devant les tribunaux. 

Selon le jugement, 664 000 conversations ont été interceptées par les policiers durant l'enquête Magot-Mastiff, dont 5 % ont été jugées pertinentes par l'État. Les informations de plus de 25 sources ont servi dans l'enquête.

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Photo Armand Trottier, archives La Presse

L'ancien enquêteur vedette du Service de police de la Ville de Montréal Benoit Roberge a été arrêté en 2013 et condamné pour avoir vendu des informations aux Hells Angels.

Photo La Presse

Chénier Dupuy, alias Big