(Chonburi) Pieds nus, quatre sprinteurs intrépides tentent de maîtriser leurs bêtes élancées au galop à travers les eaux boueuses d’une rizière, sous un tonnerre d’acclamations : les courses de buffles thaïlandais attirent chaque année une foule de passionnés à Chonburi.

Cette tradition joyeuse, bruyante et légèrement chaotique marque le début de la saison des semailles, et une atmosphère de festival régnait dimanche dans cette province rizicole de l’est du pays.

« Avant le début de la course, nous sommes un peu excités et nerveux », confie Sompong Ratanasatien, 33 ans, qui peine à reprendre son souffle à l’issue de l’épreuve, trempé de la tête aux pieds.

Les premières secondes sont les plus délicates, assure-t-il, quand les coureurs doivent contenir leur lourd attelage en attendant le coup de sifflet officiel pour franchir la ligne du départ.

« Après cela, tout dépend de ton buffle et de la façon dont il s’adapte à tes compétences », explique Ratanasatien, plusieurs fois victorieux avec son mâle de deux ans, Kao.

Sous les coups d’un fouet en bambou à pointe métallique, les bovins habituellement placides se métamorphosent, pour se déchaîner le temps de la course aquatique.

Les concurrents sont choisis en fonction de leur poids et de leur taille. Les créatures les plus imposantes vont généralement plus lentement, mais les manœuvrer nécessite beaucoup plus d’habileté de la part de leurs coéquipiers humains.

Et les coureurs, qui se préparent et s’entraînent avec les animaux pendant des semaines, n’ont pas toujours le dessus. Il leur arrive souvent de se faire traîner dans la boue lors de faux départs accidentels.

« Je pense que les gens normaux ne peuvent pas faire ça », commente un admirateur, Within Lueanguksorn, 38 ans, qui a fait le voyage depuis Bangkok pour assister aux courses. « Il y a une relation entre eux », les humains et leurs bêtes, dit-il.

Au terme du sprint final, les buffles déboulent en pagaille et à toute vitesse, manquant de renverser les spectateurs assez fous pour se tenir à proximité de la ligne d’arrivée.

« Cela peut être un peu dangereux si les buffles courent trop près les uns des autres, cela peut provoquer un accident. Les cavaliers doivent donc faire attention », reconnait le coureur Noppadon Yindeesuk, 45 ans.

Ce coureur de 45 ans fait courir deux de ses buffles, Parewa et Pete, d’une valeur d’environ 150 000 bahts (5500 dollars canadiens) chacun.

« Ils ont plus de deux ans et ils ont gagné la course l’année dernière », a-t-il dit avec un large sourire, précisant qu’il s’entraîne avec eux tous les trois ou quatre jours.

Pour Noppadon Yindeesuk comme pour beaucoup d’autres, le spectacle offert dimanche va cependant au-delà du divertissement sportif : « Je participe à la course parce que j’essaie de préserver nos traditions de Chonburi : de bons buffles, et du bon riz ».