Un autodafé de livres organisé par des prêtres catholiques en Pologne a provoqué une vague de critiques dans ce pays considéré comme particulièrement attaché au rite de Rome, et de comparaisons de cette pratique à celles des régimes totalitaires et de l'Inquisition.

L'épiscopat polonais a jusqu'ici refusé de commenter la cérémonie inhabituelle organisée dans une paroisse de la ville portuaire de Gdansk, à l'issue de la messe de dimanche dernier.  

Un compte rendu de l'évènement, publié sur la page Facebook du groupe catholique Textos des Cieux, est devenu viral.  

Trois prêtres ont brûlé des livres et d'autres objets qu'ils considéraient comme sacrilèges, dont des tomes des séries de littérature jeunesse à succès Harry Potter et Twilight, aux côtés d'autres objets comme un masque de style africain, un parapluie Hello Kitty et une figurine hindoue.

Les photos montrent deux enfants de choeur qui assistent à la cérémonie devant l'église.

Selon Jan Kucharski, exorciste et curé de cette paroisse de Notre-Dame-Mère-de-l'Église à Gdansk, il s'agissait de détruire des objets associés «à la magie et à l'occultisme», conformément aux exhortations bibliques de lutte contre l'idolâtrie.  

«La participation des enfants à cette pratique est un acte particulièrement répréhensible» sur le plan moral, a écrit Lukasz Turski, commentateur et professeur de physique, dans une lettre ouverte publiée mardi par le quotidien Gazeta Wyborcza.

La folie ou la bêtise

M. Turski a appelé la hiérarchie de l'Église à «condamner immédiatement et mettre fin à cette pratique» digne, selon lui, de l'Allemagne nazie.  

«En 1821, dans son drame Almanzor, Heinrich Heine a fait une déclaration prophétique : "Là où l'on brûle des livres, on finit par brûler des hommes"», écrit-il.  

«Une centaine d'années plus tard, en Allemagne nazie, les livres de Heine et de (Thomas) Mann ainsi que ceux de nombreux autres grands artistes ont été brûlés à Berlin. Une douzaine d'années plus tard, dans des fours crématoires ont brûlé les victimes de la folie de ce monde soi-disant civilisé».  

Le tabloïd Fakt a comparé la pratique à «la sainte Inquisition», en référence à la campagne contre l'hérésie menée par l'Église catholique au Moyen Âge.  

Porter un col romain «ne protège pas contre la bêtise», a regretté de son côté le père Kazimierz Sowa, une personnalité médiatique catholique en Pologne, dans un message sur Facebook.  

Une ONG anti-pollution a saisi mardi le parquet d'une plainte contre les prêtres pour «usage illégal du feu» servant notamment à brûler des «matériaux synthétiques» qui «ont pollué l'air créant une menace pour la santé».