Bêlant, se bousculant, des centaines de moutons serrés les uns contre les autres, mais aussi des boeufs et des chevaux ont envahi dimanche le centre de Madrid pour la fête annuelle de la transhumance, un défilé insolite en souvenir d'une tradition séculaire presque disparue.

Sous le regard curieux du public citadin, les moutons, apeurés, trébuchant sur le goudron humide, rappelés à l'ordre d'un sifflement par leurs bergers en cape, se sont frayé un chemin jusqu'à la célèbre statue de la Cibeles, au coeur de la capitale espagnole.

«Pendant des siècles, les moutons se sont déplacés vers le nord au printemps pour éviter la chaleur, puis revenaient vers le sud à l'automne pour y passer l'hiver», raconte Pastora Herrero, une retraitée en costume traditionnel, qui a fait le voyage depuis l'Extrémadure, dans l'ouest de l'Espagne.

En tête d'un groupe de 600 moutons mérinos d'Extrémadure, cette femme d'une soixantaine d'années explique être venue à la 17e Fête de la transhumance pour «se souvenir de cette tradition».

La fête organisée chaque année à Madrid vise justement à rappeler aux citadins une tradition, très forte en Espagne, qui a fait vivre des régions entières depuis le Moyen Age, lorsque le bétail se déplaçait d'un point de la péninsule à un autre en empruntant des chemins spécialement tracés.

«Un évènement de ce type permet de voir des traditions auxquelles les jeunes ont rarement l'occasion d'assister», s'enthousiasme Maria-José Palacios, une citadine de 37 ans venue attendre les moutons sur la grande place de la Puerta del Sol.

«La transhumance, j'en ai déjà entendu parler, mais les plus jeunes qui sont présents ici, je suis certaine qu'ils ne savent pas ce que c'est», ajoute-t-elle.

En Espagne, les voies dites «d'élevage» représentent près de 120 000 km et occupent 1% du territoire, selon les chiffres du ministère de l'Environnement et du Milieu rural. Jusqu'au 18e siècle, cinq millions de moutons se déplaçaient à travers la péninsule, contre un million aujourd'hui.

«Les chemins de transhumance sont délaissés et ferment au fur et à mesure», déplore Vicente Fernandez Sanchez, éleveur de vaches Tudanca, une race originaire de la région de Cantabrie, dans le nord du pays.

A l'heure actuelle, le déplacement du bétail d'un point de la péninsule à l'autre se fait davantage par voie routière ou ferroviaire. Un manque à gagner, estiment les associations d'éleveurs qui rappellent que la transhumance contribue à conserver la biodiversité et à maintenir en vie l'économie de régions rurales aujourd'hui à l'abandon.

Au-delà de ces revendications, la Fête de la transhumance est l'occasion pour les régions de présenter leur folklore. Entre les habitants de Castille-et-Léon (centre), qui agitent leurs castagnettes, et ceux de Cantabrie, qui jouent la cornemuse chaussés de leurs sabots en bois sculpté, Madrilènes et touristes se régalent.