Érosion, brasier, chaleur, pollen : les changements climatiques vont amener de nouveaux défis de santé au Bas-Saint-Laurent. Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) et le Conseil régional de l’environnement (CRE) ont décidé de faire front commun, avec un premier Grand rendez-vous régional de l’adaptation aux changements climatiques la semaine dernière. Aperçu des enjeux.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Dégâts causés par une haute marée et une tempête de vent à Sainte-Flavie le 6 décembre 2010

Érosion côtière

La tempête du 6 décembre 2010, qui a emporté jusqu’à 15 m de côtes, en a fait la démonstration brutale : les changements climatiques accentuent l’érosion et la submersion côtières. « Quand les grandes tempêtes de décembre arrivent, la rive n’est plus protégée de l’érosion par les glaces », explique le DG du CRE, Patrick Morin. Or l’érosion côtière a le même effet que tous les débordements de cours d’eau, souligne le directeur de santé publique du CISSS du Bas-Saint-Laurent, le DSylvain Leduc. « Ça crée de l’anxiété importante, et pas que dans l’évènement immédiat ! » Plus de 2200 bâtiments risquent d’être touchés d’ici 2065, pour une facture s’élevant à 384 millions de dollars. Quant aux inondations dans les terres, elles risquent désormais de survenir « en toute saison », prévient l’inventaire des vulnérabilités publié récemment par le CISSS.

Consultez le rapport Santé et adaptation aux changements climatiques au Bas-Saint-Laurent

PHOTO FRÉDÉRIC CHOUINARD, FOURNIE PAR LA SOPFEU

La fumée des incendies de forêt qui faisaient rage le 23 juin dernier (ici, à Lebel-sur-Quévillon) a touché de nombreuses régions.

Forêt

Même si 85 % du territoire est forestier, les incendies de forêt ont historiquement été « un phénomène ponctuel et peu important au Bas-Saint-Laurent ». La région peut toutefois être affectée par la fumée secondaire du nord, comme on l’a vu avec les alertes au smog de l’été dernier. La Santé publique a même dû s’interroger sur la tenue d’évènements sportifs, comme les Jeux du Québec et le marathon de Rimouski – du jamais vu dans la région. « Toute la population bas-laurentienne a pris conscience de la rapidité avec laquelle évoluent les changements climatiques », souligne le DSylvain Leduc.

PHOTO GETTY IMAGES

Les journées de plus de 30 °C seront de plus en plus fréquentes dans le Bas-Saint-Laurent.

Chaleur

La région enregistre seulement deux jours à plus de 30 °C par an en moyenne, mais ces journées seront cinq fois plus fréquentes à l’horizon 2041-2070. « Et tous ne sont pas égaux devant les changements climatiques. Il y a des gens pour qui s’acheter une thermopompe ou un climatiseur n’est pas une option », souligne M. Morin. Les aînés, particulièrement vulnérables à la chaleur, sont nombreux dans la région : en 2041, 36 % de la population aura 65 ans ou plus (contre 26 % dans l’ensemble du Québec). Or, plus de 25 % des aînés vivent ici sous le seuil du faible revenu, et davantage encore chez les femmes (28,7 %).

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les changements climatiques pourraient élargir le territoire de l’herbe à poux (sur la photo).

Envahisseurs

En plus d’allonger la saison des allergies saisonnières, les changements climatiques pourraient élargir le territoire de l’herbe à poux vers l’est de la région, où elle est encore peu présente. « L’herbe à poux suit les autoroutes. Lorsqu’on a fait notre dernière cartographie, celle-ci avait énormément changé », signale le DSylvain Leduc. La tique à pattes noires a aussi des visées expansionnistes. Le Bas-Saint-Laurent ne compte aucun cas de maladie de Lyme contractée dans la région, mais le quart des tiques Ixodes scapularis qui y ont été testées en 2021 étaient infectées par la bactérie responsable de la maladie (Borrelia burgdoferi).

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Promenade le long du fleuve à Rimouski

Mobilisation

La capacité à se mobiliser est déterminante dans l’adaptation, mais face à ce défi, le Bas-Saint-Laurent peut compter sur un fort sentiment d’appartenance à la communauté, observe le DLeduc. « Quand surviennent des évènements tragiques, que ce soit de nature climatique ou autre, la mobilisation se fait bien », dit-il en évoquant l’attaque au camion-bélier de mars dernier à Amqui. « C’est un territoire tissé serré, avec énormément d’organisation et de cohésion sociale, et ça nous a beaucoup facilité la tâche. » Le tissu social est un des grands atouts de la région, estime Patrick Morin. « Quand il y a un feu, une inondation, les gens s’entraident naturellement. Ça, c’est un facteur de résilience aux changements climatiques. »