Deux ans après la pénurie de préparation pour nourrissons, le prix de ce bien a explosé et de nombreuses familles se retrouvent parfois devant des étalages vides.

Léa Lefevre-Radelli et son conjoint ont fait le saut, devant le coût de la préparation en poudre en pharmacie. Pour leurs deux jumeaux en âge d’allaitement, ils devaient payer « 500 $ de lait par mois », s’étonne la mère de trois enfants.

Une facture bien plus élevée qu’il y a deux ans, lorsque son fils aîné était encore un nourrisson. « On achetait du lait de temps en temps, et c’était beaucoup moins cher », se rappelle la mère qui termine son postdoctorat en sciences de l’éducation.

Le prix des préparations pour nourrissons a explosé de 54 % depuis deux ans au Québec. C’est nettement plus que la hausse de 9 % observée pour le panier d’épicerie.

Avant 2022, le prix des préparations pour nourrissons était relativement stable à environ 26 $ pour 900 g. Il se détaille désormais à tout près de 41 $.

Prise au dépourvu, Léa Lefevre-Radelli s’est tournée vers les réseaux sociaux à la recherche de boîtes de préparation en poudre à donner, même des contenants déjà ouverts. « Les marques les moins chères sont en rupture de stock depuis des mois et on cherche des solutions pour alléger le budget », a écrit la mère dans une publication sur le groupe Facebook Mamans de Villeray et Petite-Patrie.

Avec un revenu familial d’environ 100 000 $ par année, Léa Lefevre-Radelli se considère comme privilégiée. « Mais je ne sais vraiment pas comment les femmes qui font moins d’argent y arrivent », lance la mère.

Plus difficile pour les moins nantis

Les familles à faible revenu sont les premières touchées par la hausse du prix de la préparation pour nourrissons, et les organismes qui leur viennent en aide ne parviennent pas à répondre à la demande.

« Ce sont en grande majorité des familles récemment immigrées et à très faible revenu qui nous sont référées », souligne Maud Lanckmans, coordonnatrice en intervention au Groupe d’entraide maternelle de La Petite-Patrie (GEM), un organisme de soutien qui dépanne les parents d’enfants en bas âge avec des produits de base comme la préparation pour nourrissons.

Quand les familles appellent et disent qu’elles n’ont plus d’argent pour nourrir leur bébé, on se sent démunis.

Maude Lanckmans, coordonnatrice en intervention au Groupe d’entraide maternelle de La Petite-Patrie

Certaines familles viennent d’aussi loin que Pointe-aux-Trembles et Montréal-Nord pour cogner à sa porte. « Les familles veulent souvent venir toutes les deux semaines, mais moi, je ne peux pas répondre à la demande », regrette Maud Lanckmans.

Pénurie et hausse de prix

La fermeture d’une usine de préparation pour nourrissons d’Abbott Laboratories au Michigan en février 2022 a causé une pénurie nationale de préparation au Canada et aux États-Unis. L’usine a réouvert quatre mois plus tard, mais « un effet de cascade s’est créé, et là toute la catégorie s’est mise à souffrir », souligne le directeur général de l’Association québécoise des distributeurs en pharmacie (AQDP), Hugues Mousseau.

Dans les dernières années, les formules en poudre se sont faites très rares à cause de défis d’approvisionnement.

Hugues Mousseau, directeur général de l’Association québécoise des distributeurs en pharmacie (AQDP)

Résultat : les fabricants se sont tournés vers des formules prêtes à boire ou des concentrés liquides. « Mais ces produits ont une étape de préparation de moins à faire pour les parents, donc ils sont plus chers », ajoute Hugues Mousseau.

Selon le directeur général de l’AQDP, la hausse du prix de la préparation pour nourrissons s’explique par une combinaison de facteurs, dont « la hausse du coût de la matière première, des coûts de main-d’œuvre et de transport, ainsi que par un déséquilibre entre l’offre et la demande ».

Diversifier l’offre

Au Canada, cinq producteurs se partagent le marché de la formule pour nourrissons en vente libre, dont Abbott Nutrition et Nestlé Canada. « Généralement, quand il y a moins de concurrence, il y a tendance à une hausse des prix », souligne Johanne Le Blanc, conseillère budgétaire chez Option consommateurs.

Consultez le rapport fédéral « Les préparations pour nourrissons évaluées par Santé Canada »

Le nombre limité de producteurs de préparation pour nourrissons laisse peu de marge de manœuvre aux parents, d’après la conseillère budgétaire. « C’est quand même préoccupant, parce que c’est un produit essentiel pour les personnes qui l’utilisent. »

Le Canada a pris des mesures pour stabiliser l’approvisionnement en préparation pour nourrissons, depuis la pénurie, notamment en important des produits de rechange en provenance d’autres pays, a affirmé Santé Canada.

Santé Canada a reconnu que « l’accès à des produits abordables constitue un défi pour les familles », mais mise sur la diversification des sources d’approvisionnement pour rendre plus accessibles les formules pour nourrissons.

Au début d’avril, l’usine ontarienne Canada Royal Milk a reçu l’approbation de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour commencer à produire de la préparation pour nourrissons. Selon le Ministère, cette production devrait aider à stabiliser l’approvisionnement au pays.