Le SPVM, avec ses projets Collectifs, vise les jeunes délinquants pas encore nécessairement endurcis et tente de les ramener dans le droit chemin

La tendance à la baisse des violences avec armes à feu s’est poursuivie en août à Montréal, avec 12 évènements, comparativement à 16 pour le même mois en 2022. Depuis le début de l’été, les évènements de coups de feu ont diminué de plus de 31 % dans la métropole comparativement à la même période l’an dernier. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) lutte contre les violences armées de plusieurs façons. C’est ainsi que des projets, baptisés Collectifs, ont été lancés au début de l’été.

16 h 30, le jeudi 7 septembre. Le lieutenant-détective Érik Lavallée et ses collègues frappent à la porte d’un logement de la 25e Avenue, dans le quartier Saint-Michel.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Traînant un lourd sac, une enquêteuse du Collectif nord-est du SPVM se présente dans le logement de la 25e Avenue qu’elle devra fouiller, à la recherche d’une arme à feu.

Ils annoncent aux trois occupantes que l’ami de cœur de l’une d’elles, un jeune homme de 24 ans, vient de se faire arrêter, et leur présentent un mandat de perquisition.

Dans la voiture dans laquelle le jeune homme et un complice ont été appréhendés une heure et demie plus tôt, les policiers ont découvert de la drogue et 1000 $ en argent.

Une source leur avait dit que le jeune homme possédait une arme à feu, mais les enquêteurs ne l’ont pas trouvée.

Déjà accusé de vol de véhicule et de non-respect des conditions, le jeune homme avait obtenu sa libération provisoire deux jours plus tôt à peine.

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Une partie des 1000 $ découverts par les policiers dans le véhicule des suspects.

Malgré cela, à quoi s’ajoutent des récidives et les soupçons de trafic de stupéfiants, l’enquêteur Lavallée a encore espoir que le jeune homme rentre dans le droit chemin.

« On a l’adresse de ses parents, il habite sur la Rive-Nord. Il est jeune, il n’est pas super criminalisé », résume-t-il.

Finis, les vases clos

C’est pour lutter contre les violences armées en visant précisément ce type de délinquants pas encore nécessairement endurcis que le Service de police de la Ville de Montréal a lancé en mai dernier trois projets baptisés Collectifs : un dans le nord-est de la ville, un dans le sud-ouest et un au centre-ville.

Alors qu’ils s’affairaient chacun de leur côté dans le passé, les policiers sociocommunautaires et les enquêteurs travaillent maintenant main dans la main pour tenter de sortir de la criminalité de jeunes hommes impliqués dans des crimes de violence armée ou soupçonnés d’y être mêlés.

Le SPVM n’a rien inventé et s’inspire de façons de faire qui existent aux États-Unis et ailleurs dans le monde, soulèvent les responsables.

Les Collectifs reposent sur quatre axes : renseignement, analyse, prévention et enquêtes, dont les différents intervenants travaillent en synergie et simultanément.

On commence par obtenir de l’information sur des suspects potentiels. Deux analystes étudient ensuite ces renseignements et remettent aux enquêteurs des noms d’individus à cibler. Les policiers des escouades Stupéfiants et des Équipes multidisciplinaire dédiées aux armes à feu (EMAF) effectuent alors leur enquête sur ces individus et juste avant l’arrestation, un policier préventionniste est informé. Le jour de la frappe, celui-ci accompagne les enquêteurs.

Freiner la descente criminelle

Le 7 septembre, c’était à la policière sociocommunautaire Mélanie Muniz qu’incombait ce rôle.

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La policière sociocommunautaire Mélanie Muniz acompagne les enquêteurs dès que ceux-ci se présentent sur les lieux d’une perquisition ou d’une arrestation.

La souriante agente qui compte 20 ans d’expérience et qui a une formation en criminologie, s’est entretenue avec les trois occupantes du logement pendant que ses collègues fouillaient chaque pièce.

Je leur donne un soutien. Je détecte leurs besoins et je les accompagne. Les personnes, après une arrestation ou lors d’une perquisition, sont sous le choc et je leur demande si elles ont des questions. Je leur explique ce qu’est un mandat de perquisition et ce qui se passe.

Mélanie Muniz, policière sociocommunautaire au SPVM

Les suspects visés par son Collectif (nord-est) depuis mai sont âgés de 15 à 30 ans et la plupart sont mineurs. Souvent, leurs parents et proches ne savent plus quoi faire. Une majorité de ceux-ci ont accepté l’aide de la policière, parfois quelques semaines après l’arrestation.

« On sait qu’il y a des comportements criminels et notre but est de freiner ces comportements. Pour ce faire, on veut soutenir les personnes, autant celles qui agissent avec la violence que celles qui la subissent, et les victimes collatérales. Les parents sont dépassés et n’ont plus d’autorité. Ils nous demandent de les aider et ils croient que leur jeune pourrait être rescapé, lui qui a toute la vie devant lui », poursuit la policière.

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L’agente Muniz répond à des questions posées par des enfants qui ont assisté à l’arrivée des policiers.

Le rôle joué par Mélanie Muniz peut durer plusieurs semaines. Par la suite, ce sont les groupes communautaires qui prennent le relais.

Durant ce temps, le processus judiciaire se poursuit pour les individus ciblés. Alors que cela était fait de façon moins rigoureuse dans le passé, les enquêteurs, et leurs collègues du Projet Arrêt (lutte contre les armes à feu) et de l’escouade Éclipse, encadrent davantage les suspects et s’assurent avec constance qu’ils respectent leurs conditions.

Les patrouilleurs sont aussi mis à contribution : des documents expliquant les conditions que doivent respecter les suspects sont envoyés dans tous les postes des quartiers où ils habitent.

« Une vision à 360 degrés »

Par l’entremise de ses Collectifs, le SPVM souhaite viser de cinq à dix individus par semaine.

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Les policiers de l’unité Éclipse garent leur voiture devant l’immeuble perquisitionné.

Selon les responsables, une quarantaine de suspects auraient été arrêtés ou rencontrés depuis le début de l’été et quelques armes à feu ont été saisies – les statistiques officielles n’ont pas encore été compilées. Quelques-uns des individus visés auraient décidé de changer de vie.

« Cela fait presque 24 ans que je suis au SPVM. J’ai été enquêteur des gangs de rue. Je suis enquêteur aux stupéfiants depuis longtemps et je n’ai jamais connu ça, une vision à 360 degrés, avec de la prévention. Avant, on passait d’un dossier à l’autre, mais maintenant, on a un suivi beaucoup plus serré », dit Erik Lavallée.

« Un individu de moins qui choisit la voie criminelle, c’est déjà ça de gagné », renchérit l’inspecteur Dominique Côté, patron des Collectifs du SPVM.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

L’inspecteur Dominique Côté

« Nous sommes satisfaits des résultats. La façon de travailler des Collectifs va rester et on va même essayer de l’intégrer à notre quotidien, c’est-à-dire à d’autres escouades existantes ou à celles qui seront développées dans le futur. »

« On offre à des individus l’occasion de s’en sortir. Que la police leur offre la possibilité de changer de vie, c’est correct, mais il faut que la suite soit aussi présente, et elle ne nous appartient pas nécessairement. Il faut que les autres intervenants [organismes ou groupes communautaires] soient prêts aussi à accueillir ces gens-là », conclut l’inspecteur Côté.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

En savoir plus
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