Le 1er juillet a beau être passé, près de 500 ménages québécois sont toujours à la recherche d’un logement. Un nombre important qui ne tient même pas compte des locataires que le système échappe.

Ce qu’il faut savoir

  • En date du 4 juillet, 494 ménages n’avaient toujours pas trouvé de logement, dont 115 à Montréal, 82 en Estrie et 58 dans le Centre-du-Québec.
  • Lundi, la Société d’habitation du Québec comptait 199 ménages relogés temporairement.
  • Le FRAPRU demande davantage de mesures structurantes, comme la construction de logements sociaux, pour contrer la crise du logement.

Sonia St-Laurent a tout fait pour reloger sa tante. Absolument tout.

Quand le propriétaire de l’immeuble où habitait l’aînée a annoncé, en décembre dernier, qu’il reprenait son appartement, Sonia St-Laurent a envoyé des dizaines de candidatures à des coopératives et des organismes sans but lucratif d’habitation. Elle a remis à jour la demande d’habitation à loyer modique (HLM) de sa tante, qui était déjà sur la liste d’attente depuis sept ans. Elle a passé au peigne fin les annonces de logements à louer.

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La proche aidante Sonia St-Laurent

« Chaque fois, la réponse était la même : il n’y en a pas, d’appartements », raconte Sonia St-Laurent, en entrevue.

La pointe de l’iceberg

En date du 4 juillet, 115 ménages n’avaient toujours pas signé de bail à Montréal, d’après le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). « Ce sont des gens qui sont à l’hôtel ou logés chez des proches, mais qui ont besoin d’une solution durable », explique Sébastien Olivier, directeur des communications de la Société d’habitation du Québec (SHQ).

Parmi ces ménages, 39 étaient relogés temporairement, d’après les chiffres de l’Office municipal de l’habitation (OMH) de Montréal.

Contrairement à ces ménages, la tante de Sonia St-Laurent n’a pas demandé l’aide des services d’urgence. C’est plutôt sa nièce qui a pris en charge son relogement.

Sonia St-Laurent a sollicité l’aide du Comité BAIL et d’une travailleuse sociale. Quand ses démarches pour trouver un logement abordable se sont avérées infructueuses, elle est allée plaider sa cause à deux députés. « Mais ils m’ont tous répondu qu’ils ne pouvaient rien faire », déplore Sonia St-Laurent.

Lorsque sa demande de HLM est restée sans réponse après plusieurs mois, Sonia St-Laurent a « essayé de cogner aux portes arrière ». La proche aidante s’est présentée aux bureaux de l’OMH, insistant pour parler à un agent de location.

« Il m’a expliqué qu’il y avait une grève à l’interne, qu’il n’y avait pas de financement, et qu’elle n’aurait pas d’appartement, à moins qu’elle soit à la rue le 1er juin. Là, elle pourrait peut-être avoir un HLM à Montréal-Nord », raconte Sonia St-Laurent.

D’après la proche aidante, l’agent de location lui a suggéré d’envoyer sa tante au refuge pour femmes Le Chaînon, sa « meilleure option ».

Pour Sonia St-Laurent, c’était hors de question : « Ma tante capotait à l’idée d’aller au Chaînon. Elle a travaillé toute sa vie ! »

À court d’autres options, l’aînée s’est installée chez un membre de sa famille le mois dernier.

Une solution qui se voulait temporaire, mais qui pourrait être permanente, compte tenu du prix des loyers.

« Elle ne peut pas payer au-dessus de 1000 $ par mois. Ce n’est pas pensable ! lance Sonia St-Laurent. J’ai peu d’espoir qu’on lui trouve un appartement. »

Des services surchargés

Pour Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, l’amélioration des services d’aide d’urgence est essentielle afin que personne ne tombe « entre les mailles du filet ».

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La porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme

« C’est la porte d’entrée pour avoir accès à des solutions », souligne-t-elle.

Ce qu’on craint, c’est que les gens qui ne sont pas suivis et qui sont dans des plans B, chez de la famille ou chez des amis, réussissent difficilement à se reloger de manière permanente.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Si elles ne sont pas accompagnées, ces personnes n’ont pas accès à l’aide financière accordée par le gouvernement du Québec.

La crise du logement nécessitera toutefois une politique qui propose des mesures structurantes, estime Véronique Laflamme. « Il faut s’assurer que les mesures d’aide d’urgence sont complètes partout au Québec, mais il faut aussi qu’il y ait de la lumière au bout du tunnel. »

Le dépôt d’un plan d’action, qui était prévu en mars 2022, devrait finalement avoir lieu à l’automne. Le cabinet de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a assuré, par l’entremise d’un courriel envoyé à La Presse, que les logements sociaux en feraient partie.

En attendant davantage de financement pour des logements sociaux, les personnes non accompagnées par les services d’urgence continueront à « s’enfoncer dans la précarité », note Véronique Laflamme.

Sans solution en vue, Sonia St-Laurent a mis ses recherches de logement sur pause. La santé mentale de sa tante « en a pris un coup », soutient la proche aidante. « Pour elle, la fin du monde est tombée sur sa retraite. »