(Ottawa) Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, se dit préoccupé par le fait que la GRC a choisi de ne pas divulguer les numéros d’insigne des policiers qui avaient procédé à l’évacuation des manifestants du « convoi de la liberté » au pont Ambassador de Windsor l’hiver dernier.

Une demande d’accès à l’information avait été faite auprès de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour obtenir une liste des noms et des numéros d’insigne de ces policiers. Mais la GRC a refusé, au motif que cette publication pourrait mettre en péril la sécurité de ses agents.

La Presse Canadienne a obtenu une note d’information rédigée à ce sujet pour la commissaire de la GRC, Brenda Lucki. Cette note incluait un rapport de renseignement stipulant notamment que des officiers supérieurs de la GRC craignaient d’être harcelés par des partisans du convoi sur l’internet (« doxés ») s’ils étaient identifiés publiquement.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino

On demandait alors à la grande patronne de la GRC d’approuver cette décision, car elle soulevait des questions de transparence de la police fédérale.

Interrogé au cours d’une récente entrevue lors d’une visite en Saskatchewan pour discuter de police autochtone, le ministre Mendicino s’est dit « très préoccupé » par cette affaire. « De toute évidence, les numéros d’insignes et les noms (sur les uniformes) sont là dans un souci de transparence, et nous aurons plus à dire à ce sujet. »

Le ministre a déclaré que cette affaire soulignait l’importance du projet de loi déposé au printemps dernier, qui, selon lui, assurerait une surveillance civile accrue de la GRC.

Le prix de la transparence

Les manifestants qui dénonçaient le premier ministre Justin Trudeau et les mesures sanitaires de son gouvernement ont bloqué pendant six jours, en février, le pont Ambassador, qui relie le Canada et les États-Unis entre Windsor, en Ontario, et Detroit, au Michigan.

Le pont névralgique a rouvert après que la police a évacué les manifestants et porté une quarantaine d’accusations le 13 février, juste avant que le gouvernement fédéral n’invoque la Loi sur les mesures d’urgence, le 14 février.

Dans la note à la commissaire Lucki, datée d’avril dernier, la GRC souligne que l’état-major de la police fédérale en Ontario avait notamment fait part de ses inquiétudes concernant la divulgation des noms et des numéros d’insigne des policiers impliqués.

« Compte tenu de l’environnement de menace actuel, cela poserait un risque pour la sécurité du personnel, mais serait par contre un exemple de l’engagement de la GRC envers la transparence, peut-on lire dans la note. Des mesures d’atténuation pour protéger les membres touchés et leurs familles devraient être prises avant toute divulgation. »

Le document d’information destiné à Mme Lucki comprenait une évaluation préparée par la GRC contenant certains commentaires qui, selon les auteurs du rapport, avaient été partagés au sein d’un groupe de participants au « convoi de la liberté » sur Telegram, une application de messagerie instantanée.

Dans l’un de ces messages, un utilisateur aurait écrit : « Ces cochons méritent de mourir ».

Selon la GRC, certains de ses membres ont déclaré avoir reçu des menaces de mort, y compris visant leur famille, après que leurs noms et numéros de téléphone portable se sont retrouvés sur les réseaux sociaux. Ces renseignements personnels avaient initialement été partagés au sein d’un groupe de discussion du « Carrousel de la GRC ».

La police fédérale semblait admettre que la non-divulgation des numéros d’insignes des policiers pourrait soulever des questions de transparence. Mais dans la note à la commissaire Lucki, on souligne que la situation « présente un cas exceptionnel » impliquant des menaces claires et crédibles.

La décision de refuser la demande de publication ne refléterait pas un changement de politique en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, précisait-on alors.