Lorsque j’ai publié ma première chronique sur le brouhaha causé par l’apparition des voies actives sécuritaires (VAS) en juin dernier, je m’étais dit que j’allais attendre à l’automne et faire un bilan.

M’y voilà !

D’abord, évitons un écueil, soit mettre dans le même panier ce qui relève des VAS et ce qui relève du Réseau express vélo (REV), ce qui est temporaire et ce qui ne le sera pas, de même que ce qui est né de l’actuelle pandémie et ce qui ne l’est pas.

Commençons par le REV. Je vais sans doute décevoir des commerçants, mais j’ai du mal à comprendre le mouvement de contestation qui se joue actuellement au sujet du REV.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

« Repousser les travaux de cette année à l’année prochaine [dans la rue Saint-Denis] aurait été la décision à prendre. Mais bon, il y a un calendrier électoral à gérer. Et ça, on l’a vu venir », écrit notre chroniqueur.

On se rassemble pour dire haut et fort qu’on ne veut pas de ce projet dans les rues Saint-Denis et de Bellechasse. Dans certains cas, on demande des ajustements ou un report.

Désolé, mais il est un peu tard. Cela fait trois ans qu’on parle de ce réseau de 184 km de pistes cyclables. On connaît le tracé de ses 17 axes depuis un an et demi.

Les commerçants disent qu’ils n’ont pas été consultés. Il est vrai, quand on regarde le rapport de consultation du REV préparé par la Ville de Montréal, qu’on a l’impression que ce n’est pas tout le monde qui a été invité au party.

Il y a d’abord eu une « consultation en ligne » du 1er juin au 15 juillet 2018 sur le site Réalisons Montréal. Puis des séances d’information ont été organisées dans les arrondissements de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, d’Ahuntsic-Cartierville et du Sud-Ouest.

Dans le rapport de synthèse, on affirme que 16 000 personnes sont allées sur la page web. Je ne reviendrai pas sur les méthodes de consultation de Projet Montréal, mais disons que les questions s’adressaient surtout aux adeptes du vélo. On se foutait pas mal de savoir si les personnes à mobilité réduite ou les commerçants possédaient un vélo Trek Emonda ou des cuissards Sportneer munis de coussinets au derrière.

Bref, ce sont surtout les cyclistes qui ont été « consultés » sur le projet du REV.

Cela dit, lorsque le plan a été dévoilé dans une grande salle de l’ETS (j’y étais) le 27 mai 2019, tous les médias ont largement rapporté la nouvelle. Les opposants auraient pu à ce moment monter au créneau. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?

Au cours des derniers mois, il y a eu quelques séances d’information diffusées en ligne. Chacune portait sur un chantier en particulier. À voir le nombre de visionnements, on ne peut pas dire que cela a attiré les foules.

Je retiens de ce projet les conflits qu’il engendre et la difficulté de l’administration Plante à gérer les choses. Je fais notamment référence à un blogue (dont je préfère taire le nom) créé par quelques militants anonymes (dont un est journaliste) qui ont publié une liste de commerçants réfractaires au projet du REV. Les instigateurs demandent au public de boycotter ces commerces.

Ces marchands vivent des moments très éprouvants et on leur tape dessus pour les achever. En matière de geste bête et vache, il est difficile de faire mieux.

Les auteurs de ce blogue auraient reçu des messages haineux. Ils sont allés pleurnicher devant les médias. Ils acceptent maintenant de retirer les noms des commerçants qui fournissent la preuve d’un repentir sur leur liste. Vous avez bien lu !

Cette histoire est un sacré dérapage !

Est-ce que ce réaménagement majeur des voies de circulation aurait mieux passé s’il n’y avait pas eu la pandémie ? Est-ce que les travaux qui étaient prévus seraient moins douloureux s’il n’y avait cette situation difficile pour les commerçants ? Je le pense.

Repousser les travaux de cette année à l’année prochaine aurait été la décision à prendre. Mais bon, il y a un calendrier électoral à gérer. Et ça, on l’a vu venir.

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Parlons maintenant des fermetures de rues. Il y en a eu pour tous les goûts. Des fermetures réussies, certaines ratées et d’autres qui ont été annulées. Il y en a eu de belles. Mais aussi de très laides.

L’administration Plante se pète les bretelles en affirmant que ces fermetures de rues ont été un grand succès. Encore faut-il définir ensemble la notion de succès dans ce cas-ci.

Chose certaine, il y a eu un manque flagrant de coordination. On avait l’impression que ces décisions étaient prises à la va-comme-je-te-pousse. Chaque maire d’arrondissement y est allé, avec ou sans succès, de ses propres mesures.

La grande leçon que doit tirer l’administration Plante de cette expérience porte sur la planification. Je le pensais en juin, je le pense toujours.

Il y a des rues que l’on peut fermer et d’autres qui ne méritent pas ce sort. D’autres qui ne méritent pas ce sort, comme l’avenue du Mont-Royal, qui mériterait d’être fermée dans une bien plus courte portion. Il y a des artères commerciales qui peuvent bénéficier de ces fermetures et d’autres que cela fera inexorablement souffrir.

Il suffit de consulter les médias étrangers pour voir que le désir de réaménager les espaces urbains est un enjeu majeur à l’échelle de la planète. Montréal n’est pas différent de Londres, Paris, Munich ou Francfort à cet égard. Partout on bouscule les conventions, on efface les manières appartenant au passé.

Il est assuré que le mouvement amorcé cette année va se poursuivre l’été prochain. Dans quel contexte pandémique se fera-t-il ? C’est la question.

Valérie Plante et les maires d’arrondissement ont maintenant plusieurs mois devant eux pour réfléchir aux gestes à faire au printemps 2021. Ils pourront difficilement invoquer l’urgence d’agir comme l’été dernier.

La prochaine fois qu’on réaménagera des rues, les Montréalais voudront savoir pourquoi. Ils voudront aussi sans doute participer davantage aux consultations citoyennes. Quant à l’administration Plante, elle devra faire des choix en fonction des besoins réels de tous les citoyens.

Elle sait ce qui l’attend.

Que dit la maxime encore ? Ah oui… Gouverner, c’est prévoir.